Le couple d’artistes new-yorkais Léon Golub et Nancy Spero fait l’objet d’une rétrospective au Centre Américain. Après une reconnaissance très tardive aux États-Unis, ils retrouvent Paris où ils séjournèrent entre 1959 et 1964. L’occasion pour nous de suivre parallèlement leurs œuvres et leur engagement depuis les années soixante.
PARIS - L’American Center maintient un programme exigeant, avec la présentation rétrospective des œuvres de Nancy Spero (née en 1926) et Léon Golub (né en 1922). L’entretien à bâtons rompus publié dans le catalogue montre la vigueur qui continue d’animer le dialogue entre ces deux artistes, mariés et partageant le même atelier depuis quarante ans. Dans les années cinquante et soixante, la peinture abstraite américaine ne laisse pas de place à la forme figurative et expressionniste qu’ils développent l’un et l’autre. Les grands musées américains les boudent, ils rattrapent aujourd’hui leur retard.
Tous deux veulent encore croire que l’art peut être engagé : Léon Golub en illustrant le rapport de l’individu au pouvoir et à la répression, Nancy Spero en défendant la cause féminine dans des œuvres dont elle a maintenant évacué la représentation masculine depuis vingt ans.
La peinture de Golub est très illustrative et très directe. Les images d’actualité qu’il peint isolent mercenaires et tortionnaires sur des toiles laissées brutes, sans châssis. Les dessins, les lavis de Nancy Spero sont au contraire beaucoup plus subtils, mais au demeurant tout aussi violents. On retiendra particulièrement la série des Codex Artaud, longs papiers marouflés sur lesquels Nancy Spero imprime et dissèque les Diatribes d’Antonin Artaud.
Nancy Spero décline l’exploitation dont les femmes ont fait l’objet à travers l’histoire, comme La ballade de Marie Sanders, la putain du juif, texte de Bertold Brecht dont elle imprime chaque caractère à même le mur et qu’elle confronte à l’image d’une femme ligotée nue à un pieu, "photo trouvée sur un membre de la Gestapo".
La réussite de cette exposition tient en grande partie à la qualité de son accrochage, où même le mur courbe et incliné imaginé par Frank Gerhy s’avère idéal pour la présentation de dessins. Et aussi aux relations qu’il fait naître entre deux œuvres singulières, mais qui révèlent chez Nancy Spero et Léon Golub le même attachement au support, papier ou toile, qu’ils travaillent jusqu’à l’usure.
"War and Memory", jusqu’au 15 janvier, American Center, 51, rue de Bercy, 75012 Paris, tél. 44 73 77 77
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Double combat
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°9 du 1 décembre 1994, avec le titre suivant : Double combat