Documenta 15

Cette ville de 200 000 habitants, située au nord de la Hesse, vibre pendant cent jours au rythme de la programmation de cette manifestation internationale, parmi les plus réputées et les plus pointues depuis sa fondation en 1955. Cet été, la quinzième édition promet son lot de nouveautés : pour la première fois, la direction artistique a été confiée à un collectif – ruangrupa, un groupe transdisciplinaire aux contours fluides fondé en 2000 à Jakarta. Le projet du collectif pour la documenta est tout entier basé sur l’idée de lumbung, un terme indonésien qui désigne une grange à riz communautaire. Appliqué comme modèle artistique et économique, ce concept invite à « construire des relations sociales et questionner les dynamiques de pouvoir ». En 2018, ruangrupa résumait son ambition en affirmant : « Nous voulons créer une plateforme artistique et culturelle collaborative, interdisciplinaire et tournée vers le monde, qui perdurera au-delà des cent jours de la documenta 15. Notre approche curatoriale vise un autre type de modèle collaboratif d’utilisation des ressources – en termes économiques, mais aussi en ce qui concerne les idées, la connaissance, les programmes et les innovations. » Pour mettre au point ce projet ambitieux et radical, ruangrupa a constitué une équipe artistique diverse (les membres du collectif, des collaborateurs antérieurs et des locaux) et fédéré un vaste réseau international en invitant à participer au projet une dizaine de collectifs et organisations qui partagent les valeurs du lumbung. Les artistes, quant à eux, ont été invités à se rencontrer par petits groupes, organisés selon leurs fuseaux horaires, et à expérimenter différentes manières de travailler collectivement. S’il est difficile d’imaginer concrètement ce que nous serons amenés à voir et à expérimenter dans les nombreux espaces d’exposition disséminés dans la ville – certains sont inédits –, la documenta prouve encore une fois sa position de fer de lance. Avec l’esprit de communauté et le partage de ressources au cœur du projet, le processus prendra probablement le pas sur l’objet, tout comme le collectif a pris le pas sur l’individu dans la conception de cette manifestation.