On ôterait presque ses chaussures de peur d’être remarqué et de passer pour indiscret. L’exposition « Secrets de beauté » ouvre une fenêtre sur un univers traditionnellement soustrait aux regards, où les femmes s’appliquent de la poudre ou peignent leurs longs cheveux, se lavent, s’habillent, se coupent les ongles… À l’époque Edo, qui s’étend de 1603 jusqu’à 1867, le commerce se développe, la culture s’épanouit.
Le maquillage aussi entre dans les mœurs, et des codes de beauté s’établissent. À travers quelque 150 estampes et 60 objets – pinceaux, poudriers, peignes ou encore perruques donnant à voir les différentes façons de coiffer ses cheveux en chignon –, la Maison de la culture du Japon nous révèle ces canons de beauté et leurs secrets, selon qu’on était une courtisane assez influente pour lancer les modes, une jeune fille du peuple soucieuse de se donner des airs de dame ou encore une élégante mère de famille aux sourcils rasés et redessinés. Lèvres bicolores – rouge éclatant pour la lèvre supérieure, vert pour la lèvre inférieure –, dents noires, teint blanc comme la neige ou l’ivoire… On écarquille les yeux, et l’on (re)découvre que le rouge, produit rare et extrêmement précieux, appliqué avec parcimonie sur les lèvres et parfois les joues, virait au vert lorsqu’il était appliqué en plusieurs couches, témoignant de la richesse de celle qui s’en affublait, ou encore que les dents noircies, comme les sourcils rasés, étaient l’attribut des femmes mariées. Comme si, soudain, les femmes des estampes nous chuchotaient leurs vies.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°739 du 1 décembre 2020, avec le titre suivant : Dis-moi comment tu te maquilles…