Diane, la chasseresse d’images

Le musée de San Francisco présente « Diane Arbus, Revelations », la plus complète rétrospective de cette photographe suicidée en 1971. Issue de la bourgeoisie juive new-yorkaise, Diane commença comme photographe de mode avant de révéler ses portraits de couples, de marginaux, des minorités, d’enfants, d’artistes de cirque, de nudistes, de gens de la rue, de fanatiques, d’excentriques, de travestis, de familles prolétaires aussi bien que de célébrités.
Le long de l’exposition on explore les liens délicats entre théâtre et réalité, apparences et identité, croyance et illusion, comme dans ce portrait de 1967 d’un jeune homme lisse et tendre au canotier et nœud papillon bardé de symboles patriotiques et d’un funeste badge « Bomb Hanoi ». Les « classiques » sont bien sûr présents comme le géant juif accompagné de ses parents, les petites jumelles déguisées en jeunes filles modèles, la fameuse série du carnaval des trisomiques… Au total plus de deux cents photographies dont beaucoup d’inédites. L’utilisation constante du grand angle, d’une lumière crue et de l’open flash, de la déformation donne à ses productions, outre leur caractère documentaire et ethnologique, un aspect souvent monstrueux. Pour elle, « la plupart des gens vivent dans la crainte d’être soumis à une expérience traumatique ». Élève de Lisette Model, Arbus sait que « l’appareil est un instrument de détection. On ne photographie pas seulement ce que l’on connaît, mais aussi ce que l’on ne connaît pas ». C’est une subtile intrication de compassion et de sadisme qui oblige à s’attarder sur ce qui dérange. Ses extraordinaires œuvres en noir et blanc mettent en lumière ceux que l’on garde habituellement dans l’ombre.