Lorsque Paul Strand (1890-1976) arrive au Mexique en janvier 1932, il a 42 ans, vient de divorcer, est en froid avec Stieglitz et n’a pu obtenir la bourse Guggenheim sollicitée. Sa requête de voyager dans ce pays a cependant été entendue positivement par le compositeur mexicain Carlos Chávez, alors chef du département des beaux-arts à l’Éducation nationale.
Nommé par ce dernier professeur
d’éducation artistique pour les écoles et chargé d’une enquête sur l’art et l’artisanat mexicains, le pionnier de la « Straight Photography » découvre un pays, un peuple dont la piété le fascine. Paysages, portraits, églises ou statuaire religieuse ne dérogent pas à la prise directe, pure, fixe et sobre, ni à une littéralité du réel sans concession déjà pratiquée dans d’autres séries. La participation en tant que photographe et superviseur du film Redes – récit d’une lutte de pêcheurs contre l’exploitation, connu en France sous le titre Les Révoltés d’Alvarado – marque l’autre temps fort de son séjour et le clôture en décembre 1934.
Un tout autre état d’esprit imprègne Henri Cartier-Bresson (1908-2004) à son arrivée à Mexico en juillet 1934. Il a 24 ans et accompagne une mission scientifique. « Il est un jeune homme ambitieux, auréolé de deux expositions dont l’une à la galerie Julien Levy à New York, mais il cherche sa voie », souligne Agnès Sire, commissaire de l’exposition. Devenu « fou du pays », comme il l’écrit à ses parents, il saisit ses scènes de rue où le réel aux dimensions surréelles, fantasmagoriques, domine. Images pour certaines devenues des icônes que Julien Levy exposera un an plus tard aux côtés de celles de Walker Evans et de Manuel Álvarez Bravo.
Le chemin d’Henri Cartier-Bresson a-t-il croisé celui de Paul Strand durant le deuxième semestre de l’année 1934 ? On l’ignore. Quoi qu’il en soit, en réservant à chacun un étage, la Fondation Henri Cartier-Bresson révèle deux visions différentes d’un même pays et deux approches tout aussi distinctes qui toutefois se retrouvent dans le même engagement social et dans une passion commune pour le cinéma que le jeune Henri Cartier-Bresson apprend à son retour à New York, en 1935, auprès de Paul Strand avec le désir « de changer d’outil »…
Fondation HCB, 2, impasse Lebouis, Paris-14e, www.henricartierbresson.org
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Deux visions deux Mexique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°644 du 1 mars 2012, avec le titre suivant : Deux visions deux Mexique