Mode

Vêtement

Deux histoires de la mode française

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 22 juin 2016 - 785 mots

PARIS

Dans leurs présentations distinctes de trois siècles de mode, le Musée des arts déco sort les plus beaux atours de sa collection, tandis que Galliera séduit par une démonstration érudite.

PARIS - Raconter l’histoire de la mode française de ces trois derniers siècles (du XVIIIe siècle à nos jours) à travers une sélection de pièces puisées dans leurs collections permanentes, c’est le défi relevé quasi simultanément par le Musée des arts décoratifs avec « Fashion forward » (depuis avril) et le Palais Galliera avec « Anatomie d’une collection » (ouverte en mai) avec le risque qu’une des deux manifestations ne vienne éclipser l’autre. Il n’en est rien : les deux présentations sont à la fois très réussies et différentes.

La magnificence aux Arts déco
Au Musée des arts décoratifs, l’opulence règne. L’institution a mis pour la première fois les 1 000 m2 de son imposante nef, réservée aux « expositions événement », au service d’une exposition de mode et a puisé dans ses collections d’arts décoratifs (tapisseries, boiseries, miroirs, portes de marqueterie…) pour présenter 300 vêtements et accessoires dans des petites period rooms évoquant superbement l’esthétique de différentes époques. Ainsi, les robes « à la française » aux motifs floraux du temps de Louis XV dialoguent avec des dessus de portes décorés de scènes bucoliques. Plus loin, une robe de cour à l’antique inspirée des tenues de l’impératrice Joséphine cohabite avec des candélabres et papiers peints très pompéiens, reflets des goûts de l’époque napoléonienne. Des crinolines du second Empire aux luxueuses pièces du prêt-à-porter contemporain, en passant par les peignoirs kimono de la Belle Époque, les pièces impressionnent par leur magnificence, témoignant d’un parti pris de présenter les plus belles pièces de la haute société de 1715 à nos jours. « La collection du musée est majoritairement aristocratique pour le XVIIIe siècle, bourgeoise et mondaine pour le XIXe siècle et une partie du siècle suivant, et très “planète mode” pour les dernières décennies du XXe siècle », explique dans le catalogue Denis Bruna, responsable des collections Mode et textile antérieures au XIXe siècle. Cette démonstration fastueuse – qui explose dans la dernière salle où les créations des grands noms de la mode du XXe siècle se bousculent – fait presque oublier la discrète médiation écrite. Souvent relégués au niveau du sol, les cartels explicitent néanmoins clairement l’évolution des formes (coupes, styles, matières…) de l’histoire de la mode.

Didactisme sobre  à Galliera
Le Palais Galliera déploie moins d’emphase. Le lieu est en effet doté d’espaces bien plus étroits (550 m2 de surface d’exposition) que son confrère du 1er arrondissement. La répartition de ses salles ne permet en outre pas un circuit de visite aussi fluide que dans la nef des Arts déco. Mais l’exposition compense ces contraintes (qui ne lui permettent de présenter qu’une centaine de vêtements et accessoires) par la richesse de son discours. « Anatomie d’une collection » repose moins sur la splendeur de sa scénographie (celle-ci est plutôt épurée) et des pièces sélectionnées que sur sa médiation. Par le biais des longs cartels, au style narratif très soigné, c’est l’histoire de la personne (identifiée ou anonyme) qui a porté le vêtement qui est mis en avant. L’accent est mis sur ce que ses atours disent d’elle, de son niveau social, de ses goûts, de ses activités, de ses mœurs, de ses amitiés, et même la signification pour sa famille de la conservation de ses vêtements et, plus tard, pour l’institution muséale. Le point de vue très centré sur les personnes et sur le vêtement en tant que témoin de l’histoire des sociétés, amène une sélection plus large des pièces préentées, plus inattendue aussi, que celle des Arts déco. Ainsi ont été choisis des vêtements des grands de ce monde, revêtant parfois une signification particulière, telle la robe que l’impératrice Eugénie offrit à l’épouse du médecin qui avait soigné son mari, agissant en cela et malgré son exil (1870) comme l’impératrice des Français qu’elle pensait n’avoir jamais cessé d’être. Mais on retrouve également – en moindre quantité – des pièces très modestes, telles les jupes de chanvre du XVIIIe siècle, souvenir du labeur quotidien des femmes du peuple et des pantalons d’ouvrier du XIXe siècle témoignant de la pratique du rapiéçage des vêtements. Une présentation particulièrement intéressante car assez exceptionnelle, ces vêtements populaires et d’usages courants étant en effet conservés en plus petite proportion dans les collections et rarement exposés. Leur présence disparaît sur la fin du parcours, qui lorgne plutôt du côté des défilés de mode. Le glamour reprend ses droits.

Anatomie d’une collection, Palais Galliera

10, avenue Pierre 1er de Serbie, 75116 Paris, tél. 01 56 52 86 00, www.palaisgalliera.paris.fr, tlj sauf lundi 10h-18h, entrée 9 €. Catalogue 212 p., 39,90 €.

Fashion forward, Trois siècles de mode, Musée des arts décoratifs

107, rue de Rivoli, 75001 Paris, tél. 01 44 55 57 50, www.lesartsdecoratifs.fr, tlj sauf lundi 11h-18h, entrée 11 €. Catalogue 279 p., 55 €.


Légende Photo :
Vue de l'exposition « Fashion Forward, 3 siècles de monde (1715-2016) », aux Arts décoratifs, Paris. © Photo : Luc Boegly.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°460 du 24 juin 2016, avec le titre suivant : Deux histoires de la mode française

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