Art moderne

XIXE-XXE SIÈCLE

Deux Américains entretiennent la mémoire de Montmartre

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 12 décembre 2019 - 482 mots

PARIS

Leur collection, que le Musée de Montmartre garde en dépôt, raconte l’effervescence de ce quartier d’artistes au tournant du siècle.

Paris. La chair qui manque à l’exposition « Toulouse-Lautrec » actuellement présentée au Grand Palais est au Musée de Montmartre. Un couple d’Américains, David E. Weisman et Jacqueline E. Michel, y présente les trois quarts de sa collection riche d’environ 200 pièces sur ce quartier parisien à la fin du XIXe siècle. Précisément là où Toulouse-Lautrec (1864-1901) adorait s’encanailler, mais aussi trouver l’inspiration.

Des artistes qui hantaient la Butte et les boulevards qui l’entourent, les deux Américains francophiles ont d’abord collectionné les affiches. Puis, guidés par l’expertise de Phillip Dennis Cate, ancien directeur de musée et commissaire d’exposition devenu conservateur de leur collection, ils ont bâti, en vingt ans, un ensemble cohérent d’œuvres représentatives de ce microcosme composé de peintres, de poètes, d’acteurs et de chanteurs, de prostituées et de saltimbanques. La collection est déposée au Musée de Montmartre, les propriétaires n’en conservant qu’une partie dans leur maison de Floride. Trois artistes sont particulièrement à l’honneur : Théophile Alexandre Steinlen (1859-1923), Henri Gabriel Ibels (1867-1936) et Suzanne Valadon (1865-1938). C’est à L’Acrobate ou la Roue (1916) de cette dernière, dont la collection compte treize œuvres, que va la préférence de David Weisman. Mais le thème du cirque est représenté par d’autres toiles dont l’étonnant Clown du cirque Fernando (vers 1885) de Joseph Faverot (1862-1915).

L’importance du Chat noir

De Steinlen, les collectionneurs possèdent une délicieuse frise en six parties, Chats et lunes (vers 1885, [voir ill.]), probablement destinée à décorer provisoirement les nouveaux locaux du cabaret du Chat noir. Le couple s’intéresse particulièrement aux cabarets qui accueillaient ces artistes à la fois peintres de chevalet, décorateurs, illustrateurs et caricaturistes. Des œuvres d’Adolphe Willette (1857-1926) parmi lesquelles le carton pour l’enseigne du cabaret, d’Henry Somm (1844-1907), d’Alfred Émile Méry (1824-1896) et d’Henri Rivière (1864-1951) racontent l’importance, pour Montmartre et la vie intellectuelle parisienne, du Chat noir, restaurant et théâtre dont le fondateur, Rodolphe Salis, éditait la célèbre revue du même nom. Il faut aussi savoir gré aux collectionneurs de mettre en valeur Ibels, le « Nabi journaliste », dont les illustrations étaient préparées par de délicats pastels ou des dessins percutants, telle l’encre et gouache Scène de cirque avec les clowns Foottit et Chocolat (vers 1895).

Devant André Joseph Salis, dit « Bibi la Purée » (vers 1901-1902) de Géo Dupuis (1874-1932), Dennis Cate prend un air de triomphe : « Ce pastel, la National Gallery voulait l’acheter, mais nous l’avons eu avant ! » Longtemps méconnus, ces artistes commencent, en effet, à attirer les musées, au moins ceux étrangers. Mais avec leur connaissance des galeristes et libraires parisiens et européens, les collectionneurs et leur conservateur ont de l’avance. Juste avant l’ouverture de l’exposition, ils ont acquis l’Intérieur du moulin de la Galette (vers 1895) d’Édouard Couturier (1871-1903), une grande aquarelle qui a pris naturellement sa place au Musée de Montmartre.

Collection Weisman & Michel. Fin de siècle-Belle Époque (1880-1916),
jusqu’au 19 janvier 2020, Musée de Montmartre – Jardins Renoir, 12, rue Cortot, 75018 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°535 du 13 décembre 2019, avec le titre suivant : Deux Américains entretiennent la mémoire de Montmartre

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