Un curieux homme curieux de tout, ce docteur Gachet. Il s’intéresse à l’anatomie, à la métallothérapie, à l’homéopathie, aux psychoses.
Il aime aussi l’art et a un bon coup de crayon. Les malades atteintes de folie qu’il observe à La Salpêtrière lui servent de modèles pour sa thèse consacrée à la mélancolie. Présentés pour la première fois au complet, ses vingt-quatre croquis originaux soulignent son habileté à rendre en quelques traits les postures des souffrantes. L’une est prostrée, une autre semble danser, une troisième tient sa tête dans sa main comme sur la célèbre gravure de Dürer, Melencolia. Paul Gachet rencontre à l’asile de Charenton André Gill, le caricaturiste de Charivari et l’illustrateur de L’Assommoir de Zola. Gill révèle sur des feuilles de papier les étapes de son aliénation : ses lettres n’ont plus de sens, ses dessins se perdent dans le désordre. Certaines pièces exposées sont assez émouvantes, telle l’aquatinte de 1927 signée par Gen Paul où apparaît l’ombre triste de Paulette. Document précieux exposé à propos, la lettre adressée le 14 novembre 1889 à Pissarro par Théo van Gogh mentionne « ce médecin dont vous m’avez parlé ». Gachet accueille Vincent en mai de l’année suivante. « J’ai fait le portrait du docteur Gachet, avec une expression de mélancolie qui à ceux qui regarderaient souvent la toile pourrait paraître une grimace », note, non sans humour, le peintre. Cette petite exposition noue une série de liens entre ce que l’on appelait « le mal du siècle » et la manière de le traduire en images.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°713 du 1 juin 2018, avec le titre suivant : Dessiner la folie