Grâce à des prêts variés et prestigieux, le Musée de Cambrai confronte quelque 70 œuvres traditionnelles et contemporaines de la culture aborigène d’Australie. Mêlant peintures acryliques sur toile, écorces décorées, sculptures et poteaux funéraires, l’exposition invite à réfléchir sur la fonction de l’art et sur les rapports entre production tribale et création moderne.
CAMBRAI - Jusqu’aux années soixante, les Aborigènes d’Australie créent en marge de tout autre courant artistique. Leurs productions, souvent éphémères, constituées de pigments naturels appliqués sur des écorces d’eucalyptus, sur du sable ou sur le corps, n’intéressent alors que les ethnologues. Elles correspondent en effet à des rites religieux et identitaires, les motifs picturaux servant d’aide-mémoire à la récitation des “rêves”, les mythes fondateurs d’une communauté et de son territoire. Chaque groupe possède ainsi son vocabulaire formel, transmis par initiation.
Le Musée de Cambrai offre un aperçu des traditions artistiques de la Terre d’Arnhem, située au nord du continent. Le parcours est ponctué d’objets rituels, comme les poteaux tiwi sculptés et peints à la mémoire d’un défunt, les sculptures rangga décorées aux emblèmes d’un clan, ou encore les dupun, branches évidées par les termites dans lesquelles sont placés les os des défunts. Les principales tendances des fameuses peintures sur écorce de la Terre d’Arnhem sont également illustrées, depuis les frêles silhouettes ou les squelettes figurés sur fond rouge de la région Ouest jusqu’aux motifs géométriques abstraits de l’Est, couvrant toute la surface des écorces. Souvent, ces œuvres sont saturées de fines hachures entrecroisées qui créent un effet visuel de scintillement figurant l’énergie ancestrale.
Malgré la fonction sacrée de ces peintures et bien que leur signification échappe au public non-initié, certains artistes aborigènes ont transposé des motifs traditionnels sur toile afin de les faire connaître au reste du monde. L’exposition témoigne largement de ce mouvement né au milieu des années soixante-dix, dans un contexte de revendication politique pour la récupération des territoires ancestraux, et qui a abouti à la reconnaissance de l’art aborigène sur le marché.
Active principalement dans le centre du pays, la création contemporaine continue généralement à représenter les récits mythiques sous une forme abstraite et “cartographique” signalant les sites sacrés. Les principales écoles modernes – Papunya, Yuendumu, Utopia – sont représentées, grâce aux prêts de l’Art Gallery of New South Wales à Sydney, de l’ambassade d’Australie, de la galerie Baudoin Lebon, à Paris, et de fonds privés importants.
19 septembre-22 novembre, Musée de Cambrai, 15 rue de l’Épée, 59400 Cambrai, tél. 03 27 82 27 90, tlj sauf lundi et mardi 10h-12h et 14h-18h. Petit journal 10 F.
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Des traditions à la création
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°66 du 11 septembre 1998, avec le titre suivant : Des traditions à la création