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Des minutes historiques

Une exposition dédiée aux minutes notariales, source de l’Histoire, tombe à point nommé

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 5 juin 2012 - 626 mots

PARIS - Sujet de tableau, chez Greuze notamment avec sa célèbre scène de L’Accordée de village figurant la signature d’un contrat de mariage ; personnage volontiers caricaturé comme chez Daumier avec Robert Macaire, notaire, et M. Gogo (1836) ; figure de comédie dans les opéras-bouffes d’Offenbach, le notaire est aussi un personnage clef – toujours à son corps défendant ! – de la connaissance historique.

Dans ses « minutes », ou original des actes juridiques privés, qu’il conserve, est en effet compilée une somme d’informations sans équivalent, allant du contrat de mariage à l’acte de vente, en passant par l’acte de mise sous tutelle ou l’inventaire après décès, sans oublier les devis et marchés de grandes commandes artistiques. Autant de documents qui font le miel des historiens. Depuis 1928, les minutes notariales ont en effet accédé au statut d’archives publiques, la loi de 1979 rendant obligatoire leur reversement. Soit, aujourd’hui, aux Archives nationales, une masse considérable de plus de 20 millions de minutes parisiennes consultables, conformément à la loi, soixante-quinze ans après leur rédaction. Celles-ci font l’objet, tous les ans, de plus de 37 000 demandes de consultation en salle de lecture.

Pour fêter les 80 ans de leur Minutier central, réunissant les anciens papiers des études notariales de la Seine et installé en 1932 dans l’hôtel de Rohan, à Paris, les Archives nationales mettent en avant ce fonds dans le cadre d’une exposition temporaire éclairante. En cadrant d’abord le décor : l’étude du notaire, antre de solennité et d’une notabilité bourgeoise affichée. Puis en évoquant la matière, celle de notes relatives à des actes authentiques à valeur juridique, censés prévenir les contentieux, qui sont aussi des témoignages d’une époque. Le plus vieux registre notarié du monde, datant de 1154, a ainsi été prêté à titre exceptionnel par l’Archivio di Stato de Gênes (Italie). Ce n’est pas un hasard s’il a été produit dans la cité-État italienne, grande puissance commerciale du Moyen Âge. Les parties citées y relèvent d’une étonnante diversité d’origines géographiques : Alexandrie, Constantinople, Valence, Tunis…. Au XVIe siècle, il n’est pas rare de trouver en marge des documents des notes parfois inattendues, tel ce commentaire de la capture de Ludovic Sforza au dos de la minute d’un notaire parisien ou encore ces remarques personnelles, parfois très décalées…, d’un clerc sur la famille du notaire pour lequel il travaille. Privilégiant la pédagogie, le parcours est aussi l’occasion de présenter un prototype en trois dimensions d’un module didactique du futur musée des Archives nationales : la reconstitution d’un mariage en 1579 dans lequel le visiteur est immergé, rendant ainsi tangible la valeur de ces documents parfois arides.

Expansion croissante
Cette exposition a une autre vertu. Sans jamais évoquer directement ce sujet, elle soulève en creux la question de l’avenir du Minutier central des notaires, voué à une expansion croissante alors qu’il occupe déjà à Paris plus de 20 000 mètres linéaires d’archives. Si, depuis 2008, les minutes sont conservées sur support numérique – elles seront consultables sous cette forme à partir de 2083 –, la collecte accuse un retard vertigineux de soixante-dix ans ! Une éclaircie avait été aperçue avec le déménagement des Archives nationales, en cours depuis le 22 mai, vers leur nouveau bâtiment de Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), libérant ainsi des espaces supplémentaires sur leur site du Marais pour le Minutier central. Las ! Le projet de Maison de l’histoire de France, aujourd’hui dans l’attente d’un arbitrage définitif, s’y est invité pour occuper l’espace disponible. Au risque de la perte de ces précieuses minutes, qui encombrent depuis trop longtemps les études des notaires parisiens.

DES MINUTES QUI FONT L’HISTOIRE, CINQ SIÈCLES D’HISTOIRE NOTARIALE À PARIS

Jusqu’au 16 juillet, Archives nationales, hôtel de Soubise, 60, rue des Francs-Bourgeois, 75003 Paris, tlj sauf mardi, 10h-17h30, 14h-17h30 le week-end, www.archivesnationales.culture.gouv.fr/anparis

Des minutes qui font l’histoire - Commissaire générale : Marie-Françoise Limon-Bonnet, conservatrice responsable du Minutier central des notaires de Paris - Commissaires adjoints : Michel Ollion et Joël Poivre, conservateurs en chef au Minutier central ; Vincent Bouat, conservateur ; Monique Hermite, chargée d’expositions.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°371 du 8 juin 2012, avec le titre suivant : Des minutes historiques

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