Le Centre d’architecture Arc en rêve explore les nouvelles formes d’urbanisme consécutives aux mutations écologiques et technologiques de la planète.
Sur le trottoir de la rue Ferrère, face aux entrepôts que se partagent Arc en rêve et le CAPC-Musée d’art contemporain de Bordeaux, le visiteur est accueilli par une épaisse muraille végétale de cannes de Provence en pots. L’installation préfigure le projet Beyond Entropy Angola présenté dans l’exposition « constellation.s ». Celui-ci envisage de nouveaux modèles d’urbanisme en Afrique, à l’aide du simple végétal. Réalisée par Paula Nascimento et Stefano Rabolli Pansera, cette recherche a été appliquée dans les bidonvilles de Luanda, en Angola. Implantée en masse dans les interstices de bidonvilles ou dans les égouts à ciel ouvert, la canne de Provence – Arundo donax – possède les propriétés de purifier l’eau et d’absorber fortement le CO2, et peut être utilisée comme biomasse. L’espace commun devient ainsi une ressource partagée, susceptible de résoudre des problèmes sanitaires et de créer de nouvelles économies informelles… et de fait, controversées. À Luanda, les lobbys chinois des réseaux d’assainissement auront eu raison de cette solution bon marché et écologique.
Beyond Entropy Angola est l’une des 42 contributions installées sous les 15 mètres de la grande nef de l’entrepôt Lainé. Prenant des formes différentes (photos, maquettes, vidéos, écrits, installations), elles ont en commun d’être en prise directe avec les mutations locales et globales à l’ère de la révolution numérique, de l’urgence écologique et des grandes migrations. Investissant également la grande galerie, la mezzanine et le parvis, « constellation.s » fait partie des grands événements organisés tous les cinq ans par Arc en rêve ; elle s’accompagne d’un riche programme de conférences et de rencontres. Celui-ci s’achèvera le 23 septembre par une table ronde réunissant, parmi d’autres, le philosophe Peter Sloterdijk et l’anthropologue Bruno Latour.
Des écrits donnent également de l’épaisseur à l’exposition et ils fournissent des clefs de lecture en précisant le sens de mots essentiels pour comprendre les nouvelles manières d’habiter le monde, car « habiter, ce n’est pas seulement résider quelque part ; c’est aussi se mouvoir et se connecter », est-il précisé dans le lexique rédigé par le géographe Michel Lussault.
Sans s’enfermer dans des certitudes, l’événement examine les problèmes à caractère d’urgence dans la société d’aujourd’hui. Ainsi des questions écologiques et économiques, largement explorées par des collectifs d’architectes : les Belges du groupe Rotor ont mis en place, pour les architectes, une banque de données de matériaux récupérables sur des bâtiments voués à la démolition et qu’il est possible de réutiliser pour de nouvelles constructions. Repéré il y a six ans à la Biennale d’architecture de Venise, Rotor a réussi, à l’aide des réseaux Internet, à rendre économiquement viable son travail sur les matériaux.
Esprit de prospective
Dans le même esprit, le duo hongkongais Rufwork exerce dans le cadre de la transformation de zones rurales en Chine et construit des bâtiments avec des matériaux recyclés, à l’instar de la très belle école de Tongjiang réalisée à partir de briques récupérées de maisons anciennes. Ils présentent dans l’exposition de remarquables maquettes ainsi que des photographies de plusieurs réalisations imprimées sur une immense toile plastique de 3 m de hauteur sur 6 m de long qui est le principe scénographique. Ces bâches sont portées par une fine structure tendue de tubes et de câbles et sont suspendues à 1,50 m de hauteur, laissant filer l’espace de la nef et permettant une déambulation libre dans cette dernière.
À l’étage, d’autres rangées de bâches s’appréhendent depuis la coursive et montrent des œuvres photographiques qui accompagnent les contributions du rez-de-chaussée. Alors que la thématique des nouvelles façons d’habiter le monde domine les grandes expositions du moment – ainsi la Biennale d’architecture de Venise – l’événement bordelais s’impose par la prospective concernant les équipes présentées, et par un sérieux travail de commissariat face au trop-plein d’images et de discours auquel ce nouveau monde nous confronte par ailleurs.
Commissaires : Michel Lussault, géographe ; Francine Fort et Michel Jacques, directeurs d’Arc en rêve
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Des façons d’habiter le monde
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Abonnez-vous dès 1 €jusqu’au 25 septembre, Arc en rêve-Centre d’architecture, Entrepôt, 7, rue Ferrère, 33000 Bordeaux, tél. 05 56 52 78 36, tlj sauf lundi et jf 11h-18h, le mercredi jusqu’à 20h, www.arcenrêve.com, entrée 4 €. Publication à paraître fin 2016.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°461 du 8 juillet 2016, avec le titre suivant : Des façons d’habiter le monde