Les avantages et privilèges liés à l’adhésion à une association d’Amis de musée américain sont directement proportionnels au montant de la cotisation : de la gratuité d’accès à l’insigne honneur de voir son nom gravé dans la pierre... Afin d’assurer \"la relève\", les sociétés d’Amis se soucient dès à présent d’attirer à elles les jeunes, pour les former à leurs futures fonctions d’administrateurs et de mécènes.
NEW YORK - Aux États-Unis, la plupart des associations d’Amis ont été créées par les musées. Voilà où le bât blesse : même si l’association souhaite décider de la destination des fonds, elle ne peut jamais imposer sa volonté à l’institution mère. Encadrées par les adhérents eux-mêmes ou par des bureaux de promotion, elles travaillent en étroite collaboration avec le personnel et contribuent au fonctionnement du musée : collectes de fonds, achats, activités éducatives, administration...
Du fait de la diversité et de l’abondance de ces organisations, tout bénévole, amateur ou mécène en puissance peut participer à la bonne marche de l’institution. Tout en développant la politique de financement et d’acquisitions du musée, les adhérents bénéficient d’avantages concrets et d’activités de groupe à vocation éducative.
Les associations ne ménagent pas leurs efforts pour les distraire et les instruire, en leur proposant des cycles de conférences, des visites guidées de galeries, de musées, d’ateliers d’artistes, de collections privées ou d’expositions temporaires. Il leur arrive même d’organiser des galas, des expositions d’artisanat, des ventes aux enchères, des tombolas, des jeux, des apéritifs et des "marathons" pour collecter des fonds. En bref, la fonction de membre actif d’une société d’Amis d’un musée, surtout quand ce dernier est florissant, se pare d’un certain prestige.
Pas de fédération nationale
À la différence de la France, où les sociétés d’Amis de musées sont regroupées sous la houlette d’une fédération, les associations affiliées aux musées américains ne disposent d’aucune organisation à l’échelon national. Chacune a un caractère et un esprit qui lui sont propres, même si l’on relève certains traits et caractéristiques communs à tout le pays. Ainsi, la plupart des musées américains peuvent compter sur un noyau de bénévoles : conférenciers, personnels chargés de la boutique, de la cafétéria ou de l’information du public... Il leur arrive même de disposer d’une équipe technique et administrative, dont les services diminuent d’autant les coûts de gestion des institutions et des musées.
Le système américain repose essentiellement sur le principe de l’adhésion personnalisée, qui procure des privilèges à toute personne désireuse de verser une cotisation annuelle, partiellement déductible des impôts. Il existe habituellement plusieurs catégories d’adhérents – hiérarchisées en fonction de l’importance de la cotisation –, dont chacune offre des avantages divers et variables, à commencer par la gratuité de l’entrée, la communication du programme des manifestations prévues, et des réductions sur la boutique du musée.
Les cotisants les plus généreux bénéficient d’invitations aux réceptions de personnalités, aux conférences et aux avant-premières ; ils ont accès à des salons dans des restaurants, reçoivent les publications du musée, et ont parfois même droit à leur nom gravé dans la pierre – en tout cas imprimé dans le rapport annuel.
La grande majorité des musées propose également des adhésions de groupe aux sociétés, dont les employés peuvent accéder à titre individuel aux manifestations du musée et bénéficier de certains privilèges.
Des Amis de père en fils
Dans les grands musées, les adhérents se répartissent suivant les différents départements de la conservation. Le Metropolitan Museum of Art de New York compte vingt-deux commissions associées ; l’Art Institute de Chicago en a presque autant. L’adhésion à l’une d’entre elles se révèle parfois très élitiste : cooptation uniquement à l’initiative du département et moyennant, presque toujours, une cotisation annuelle élevée. La participation au fonctionnement général du musée et une expérience antérieure liée aux activités de la collection ou au domaine en question sont généralement requis.
Le vénérable Print Club de Cleveland, fondé en 1919 sous la forme d’une société anonyme privée, est l’une des associations américaines les plus anciennes, où l’adhésion se perpétue de père en fils. Elle a contribué à la création du département de Peintures et de Dessins du Cleveland Museum of Art, qui doit près d’un tiers de ses gravures à ses achats spéciaux, aux donations de collectionneurs-membres, et aux bénéfices tirés de l’édition annuelle d’une gravure, notamment des œuvres de Schongauer, Dürer, Rembrandt, Goya, Géricault et d’expressionnistes allemands, ainsi que des œuvres de commande de Matisse, Dali, Grosz, Feininger, etc..
Les membres du Print Club bénéficient d’un tirage de chaque gravure éditée (ce qui limite leur nombre à deux cent cinquante environ), et de l’accès à de nombreuses réunions et activités éducatives liées aux arts graphiques.
La Seca de San Francisco
Les associations se consacrent parfois à des domaines plus étroitement circonscrits, comme les livres d’artistes modernes, les textiles ou l’art contemporain local. On peut citer, à cet égard, la Société pour l’encouragement de l’art contemporain (Seca) du Museum of Modern Art de San Francisco (le SF MoMA). Ses cent dix membres soutiennent les peintres et sculpteurs oubliés de la baie de San Francisco en organisant, tous les deux ans, un concours doté de prix en espèces pour les lauréats dont les œuvres, accompagnées d’un catalogue, seront exposées dans le musée. Depuis sa création en 1967, la Seca avait fait preuve d’une grande indépendance vis-à-vis du musée. Deux conservateurs participaient au choix des artistes, sans jamais pouvoir infléchir le vote. Mais aujourd’hui, alors qu’il s’apprête à inaugurer de nouveaux locaux, le conseil d’administration du SF MoMA, qui règle le fonctionnement de la Seca, restructure la procédure, afin que ce soit les conservateurs du musée qui nomment les lauréats.
Toujours soucieuses de trouver des sources de financement, les associations tiennent compte de la fortune du candidat, de son influence et de sa place dans la communauté. Le conseil international du Museum of Modern Art, fondé en 1953 pour financer le programme international du musée, se distingue par son élitisme. Parmi ses cent quatre-vingt-trois membres, on compte nombre de personnalités marquantes des arts contemporains, venues des différents États de l’Union et de vingt-sept pays étrangers.
Ce sont en général des collectionneurs, des barons du monde des affaires (ou leurs épouses), ou bien d’éminents directeurs honoraires de musées étrangers (les marchands et les artistes sont écartés) qui, par leurs contacts dans le monde de l’art, leurs entreprises et leurs réseaux de relations, sont à même de favoriser la promotion des expositions itinérantes organisées par le MoMA, trouver des sources de financement à l’étranger et se porter caution pour des prêts.
La cotisation est de 5 000 dollars par an pour les citoyens américains – elle n’est pas déductible des impôts –, et de 4 000 dollars pour les autres adhérents, mais certains donnent plus.
Le conseil compte principalement des membres dont les intérêts sont représentés à l’étranger. On y trouve notamment Ayala Zachs Abramov, Maria Agnelli, Thierry Barbier-Mueller, le prince Franz von Bayern, Toshio Hara, Gabriele Henkel, Peter Ludwig, Patricia Phelps de Cisneros, Madame Georges Pompidou, Madame Pierre Schlumberger et Eddie de Wilde. Depuis sa fondation, le conseil a largement accru la présence du MoMA sur la scène internationale en organisant plus de deux cent cinquante expositions itinérantes à travers l’Europe, l’Asie, l’Amérique latine et l’Australie. Une exposition de photographies ira prochainement à Berlin, Amsterdam, Édimbourg, Göteborg, Paris, Valence et Londres. On ne la verra pas aux États-Unis.
Autre association très spécialisée, la Commission des collectionneurs de la National Gallery of Art de Washington a été créée en 1975 pour contribuer au choix et à l’acquisition d’œuvres commandées pour les espaces publics de l’East Building, alors en construction. Puis, sa tâche achevée, la commission s’est tournée vers l’achat de peintures et de sculptures du XXe siècle destinées à la galerie, et a mis un fonds à la disposition des conservateurs pour l’achat d’œuvres sur papier et de photographies.
Des "Jeunes Amis de l’Art"
On observe aujourd’hui un nouveau courant dans le soutien apporté par le public aux musées américains : le nombre croissant d’associations de jeunes cadres ou de membres de professions libérales. "Les Jeunes Amis sont la dernière trouvaille des associations", déclare Susan Anderson, directrice du conseil de gestion du Museum of Fine Arts de Boston, qui réunit sept cents adhérents. "Ces groupes veulent attirer et former les futurs cadres qui constitueront la prochaine génération d’administrateurs et de mécènes." Après trente-deux ans d’existence, le Founders’ Junior Council, de l’Institute of Art de Detroit, en est un des exemples les plus anciens et les plus réussis.
Le groupe de Boston a été créé en 1981, et le phénomène fait rapidement tâche d’huile, au point qu’un colloque de "Jeunes Amis de l’art" a récemment été organisé dans cette ville. L’Association des administrateurs du musée a distribué une documentation détaillée à ceux de ses adhérents qui envisageraient de former un groupe de cette nature. À une époque où les subventions fédérales et celles des États sont en chute libre, les musées américains ne doivent rien négliger pour encourager les initiatives privées.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Des associations élitistes
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°10 du 1 janvier 1995, avec le titre suivant : Des associations élitistes