TOULON
En juillet 1962, Raymond Depardon a 20 ans. Depuis quatre mois, il a entamé son service militaire et vient de se voir affecter au service du magazine de l’armée Bled5/5.
C’est lors d’un reportage en Algérie réalisé quelques mois plus tôt qu’il a appris l’existence de la revue. Ce reportage titré « SOS Sahara » lui a d’ailleurs valu sa première publication dans Paris Match et son intégration comme salarié à l’agence Delmas. Le contexte est alors à la décolonisation sur fond de guerre froide. La guerre d’Algérie vient de s’achever. Jusqu’en août 1963, le brigadier-chef Raymond Depardon réalisera une cinquantaine de reportages pour le magazine rebaptisé entre-temps TAM (Terre Air Mer). Près de soixante ans plus tard, le ministère des Armées exhume cette archive riche de cent trente-cinq images publiées pour deux mille cinq cents négatifs et neuf couvertures que Raymond Depardon lui-même n’avait jamais été tenté de revisiter. Reportages de manœuvres, d’entraînements, d’exploits sportifs, mais aussi scènes de rue parisienne ou au Salon des arts ménagers : le spectre des sujets est large, l’œil assuré dans son cadrage et « libre dans sa prise de vue », précise le photographe. Rompu déjà à l’exercice de la commande avec l’agence Delmas, il sait ce qu’on attend de lui. Il ne se passe pas grand-chose dans ces images, mais leur découverte renvoie non sans émotion au jeune Depardon expédié un peu partout en France, curieux de ce qu’il découvre, porté par son métier de reporter. Philippe Labro et Jacques Séguéla, auprès desquels il a travaillé, racontent dans un film leur propre expérience au sein de Bled5/5 puis de TAM, tandis que des épreuves de tournage signées Depardon durant cette époque le découvrent dans ses premiers pas de réalisateur. À la sortie du service militaire, la guerre du Vietnam l’entraînera sur un autre terrain.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°725 du 1 juillet 2019, avec le titre suivant : Depardon sous les drapeaux