Modène revient sur l’œuvre et la carrière du peintre émilien, longtemps éclipsé par Primatice.
MODÈNE (ITALIE) - Concours de circonstances ou signe d’un renouveau des recherches ? Les maîtres italiens de la Renaissance appelés à la cour de France font ces derniers temps l’objet d’un regain d’intérêt scientifique. En témoignent les expositions récemment consacrées par le Musée du Louvre à Rosso et à Primatice, ainsi que l’actuelle rétrospective dédiée par Modène à Nicolò Dell’Abate (1509 ?-1571). Avant tout connu en France pour avoir participé, aux côtés de Primatice, au décor de Fontainebleau, l’artiste n’avait pas fait l’objet d’une grande exposition depuis 1969. Or, « depuis cette date, les progrès des études sur le Cinquecento ont enrichi, voire renouvelé notre vision de l’époque où Nicolò travaillait […]. L’exposer, de nouveau, dans un contexte élargi évoquant ses grands modèles (Raphaël, Michel-Ange, Corrège, Parmesan, Dosso Dossi…), en incluant également les contemporains qui l’influencèrent ou avec lesquels il entretint des relations d’échanges, enfin, jalonner les étapes de sa fortune critique afin de souligner son importance permettra, nous l’espérons, de lui donner toute sa place, qui fut grande, tant en Italie qu’en France à la Renaissance », justifie Sylvie Béguin, la spécialiste de l’artiste, dans le copieux catalogue qui accompagne la manifestation.
Charme romanesque
Ambitieuse dans son propos et dans son parcours, l’exposition multiplie effectivement les confrontations entre les œuvres de l’artiste modenais et celles de ses maîtres de référence, mais le plus souvent au détriment des premières. Les tableaux et fresques de Nicolò Dell’Abbate paraissent en effet bien raides, voire schématiques dans leur dessin, jusqu’à ses années bolonaises (1548-1552). Certains attribuent cette rigidité à la formation initiale du peintre, élève à Modène du sculpteur Antonio Begarelli, d’autres, à l’état de conservation critique de ses premiers décors connus (peintures murales du palais Casotti à Reggio Emilia ou des « Beccherie » de Modène). D’autres enfin, comme Sylvie Béguin, voient dans plusieurs cycles la main de l’atelier plutôt que celle du maître (salle du Paradis de la Rocca Boiardo à Scandiano). La période bolonaise est en revanche marquée par une série de réalisations de premier plan, abondamment évoquées dans l’exposition : les peintures du palais Torfanini (vers 1548-1550), le cycle du palais Poggi ou encore le décor pour la Rocca Meli Lupi à Soragna. Nicolò exprime dans ces scènes au charme romanesque une vitalité et une fluidité nouvelles, deux qualités exaltées par ses dons de coloriste. Sa maîtrise technique transparaît également dans ses peintures de paysage et ses dessins, dont un florilège est présenté. On regrette toutefois la place disproportionnée réservée à l’influence de l’artiste sur la peinture italienne (et en particulier sur Lavinia Fontana, Scarsellino, le Guerchin…), au détriment des feuilles (remarquables) de la maturité, présentées faute de place dans la galerie Estense.
Le parcours s’achève sur sa période française, Nicolò Dell’Abate étant appelé en 1552 à Fontainebleau par Henri II. Dessins et gravures évoquent son intense activité pour les grands du royaume de France, autant de réalisations (la salle de Bal et la galerie d’Ulysse à Fontainebleau, et, à Paris, le décor de l’hôtel du connétable de Montmorency, de l’hôtel de Guise ou de celui du Faur…) aujourd’hui quasiment disparues. À l’instar de Sylvie Béguin, il faut espérer « que les travaux de restauration entrepris dans la salle de Bal, grandiose mais malheureusement assez abîmée, permettront de retrouver la main de Nicolò ».
Jusqu’au 19 juin, Foro Boario, Via Bono da Nonantola 2, Modène, tél. 39 059 20 66 60, tlj sauf lundi, 10h-13h, 16h19h, samedi et dimanche 10h-19h, www.ni colodellabate.it. Catalogue, Éditions Silvana Editoriale, 551 p., 40 euros pendant la durée de l’exposition, 45 euros après.
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Dell’Abate retrouvé
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°215 du 13 mai 2005, avec le titre suivant : Dell’Abate retrouvé