Dédoublement de personnalités

C’est toujours ensemble qu’ils accrocheront quelque quarante-six de leurs œuvres provenant toutes d’une collection privée qui tient à rester discrète sur son identité. On concède tout juste au Nouveau Musée national de Monaco à révéler qu’il s’agit d’une collection familiale. Que signifie alors cette précision ? Davantage de passion ? Moins d’échantillonnage et plus de rigueur ? À en juger par l’excellence de certaines des pièces des deux maîtres britanniques, le ou les collectionneurs ont effectivement mis sur pied un ensemble de grande qualité. Les œuvres des années 1970 sont à cet effet les plus remarquables. Nature Piece (1971) montre en sept images noir et blanc les deux compères en complet so british dans des parcs de la capitale. Les artistes entament ensuite une phase alcoolique et sombre ponctuée par In the Shadow of the Glass (1972), ensemble crépusculaire d’où se détachent leurs profils de buveurs en contre-jour, Drinking Sculpture, ivresse rétinienne kaléidoscopique réalisée en 1974, jusqu’à Red Morning Death (1977). Ce polyptyque est issu d’une série de vingt-cinq œuvres, dont le titre a pu être ponctué par Dirt, Blood, Scandal, Hell, Hate, Violence, ou encore Trouble. Death, exposée à Monaco est ponctuée de quatre images rouges, la couleur du désespoir pour les deux artistes, apparue en 1974. Mais d’autres comme Drowned ou Attack sont presque entièrement incarnates. Après la décadence éthylique des débuts, c’est un spleen prégnant qui s’installe dans l’œuvre photographique et qu’une présentation chronologique met parfaitement en valeur. Dans les années 1980, sous des atours pop faussement plus « légers », les artistes restent tourmentés. La collection privée est très riche de ces années charnières, entre esprit critique et vive dérision. À la Villa Paloma, les représentants de Sa Majesté la reine ne manqueront pas une nouvelle fois de bousculer les protocoles.