La « jeune » Biennale prend le virage de l’animation et du théâtre filmé pour Bénédicte Ramade. Mais l’installation du duo Elmgreen Dragset ramène le visiteur dans le champ du collectionneur.
Même si les premières réactions à chaud semblaient déplorer une certaine tiédeur de la Biennale, force est de constater que le cabas des nouveautés n’a rien de négligeable cette année encore. En tout premier lieu, l’installation Experimentet (2009), composée de sculptures florales et de vidéos par Nathalie Djurberg, une jeune Suédoise de 31 ans, est simplement une claque. Il faut impérativement lui consacrer du temps pour s’immerger dans son univers singulier et prégnant. Notamment ses films d’animation dont les personnages de pâte à modeler affrontent une tourmente peuplée d’ecclésiastes pervers, de jardins d’éden retors, le tout bercé par une musique lourde. Dit comme cela, on pourrait redouter cette confrontation mais la plongée dans le manichéisme – les peurs primales dans une ambiance surréaliste – est tout simplement un des plus beaux moments de l’exposition.
Pour une autre incursion dans l’animation et le théâtre filmé qui caractérise cette Biennale, il faut aller chercher dans l’étonnant pavillon roumain, le film de Ciprian Muresan. Dog Luv est une absurde mise en scène de marionnettes de chiens noirs et un pamphlet sur les techniques humaines de torture. Après ces deux séances plutôt lourdes de sens, on ne saurait alors que trop recommander un détour par l’Arsenal pour y découvrir les sketchs désopilants et poétiques du duo espagnol Bestué et Vives, âgés respectivement de 31 et 29 ans. Il faut savoir dénicher tout au bout du bâtiment, derrière les jardins delle Tese, Proteo (2009) ou la transformation d’un homme en cheval puis en moto. Une ode au progrès bouclée en trois minutes et une précarité délicieuse. Ce transformisme inspiré par le maître du genre, Fregoli, articulé à une atmosphère bricolée en font les dignes héritiers des maîtres du genre, les Suisses Fischli & Weiss, et des artistes prometteurs à suivre de près.
En « ville », où l’on compte beaucoup moins de participations nationales que d’habitude, le pavillon de Ming Wong (prix spécial du jury pour le pavillon émergent), plonge, quant à lui, dans l’âge d’or du cinéma de Singapour et se livre à une articulation entre imitation, re-jeu, reprise et décalage vraiment intéressante.
Le Nord domestique
Mais il n’y a pas que de la vidéo à Venise. S’il n’est pas un petit nouveau, le duo Elmgreen Dragset a concocté une vraie découverte dans les Giardini. Dans un super pavillon, réunissant Danemark et consortium scandinave, les trublions ont imaginé une fiction autour de la psychologie du collectionneur. Les espaces ont été transformés en espaces domestiques. On se retrouve ainsi à visiter avec un agent immobilier, un pavillon de 440 m2 entièrement aménagé de collections, des porcelaines du marchand milanais Massimo di Carlo dans la cuisine à une chambre d’ado carbonisée. Dans l’autre espace, c’est un collectionneur de maillots de bain, hédoniste et gay, qui s’est installé.
Un dispositif efficace tant la scénographie est jusqu’au-boutiste. Ce parti pris radical et expérimental donnerait alors envie de prendre ses quartiers dans les Giardini, et c’est bien l’un des seuls.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Découvertes : la chasse aux trésors - Le point de vue de Bénédicte Ramade
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°615 du 1 juillet 2009, avec le titre suivant : Découvertes : la chasse aux trésors - Le point de vue de Bénédicte Ramade