Amiral légendaire du Siècle d’or néerlandais, Michel de Ruyter incarne pour les Pays-Bas la figure du héros national. Il hante l’imaginaire d’un peuple depuis quatre cents ans.
Michel de Ruyter (1607-1676) est un peu le « grand-père » de la patrie, et c’est d’ailleurs ainsi qu’on le surnomme aux Pays-Bas. Capitaine intrépide, il a mené sa voile des Indes aux Caraïbes, puis a défendu l’indépendance des Pays-Bas, acquise en 1648 et menacée par les Anglais.
Les exploits de ce navigateur forcent l’admiration. Ils poussent à se replonger aux sources de sa légende, à l’époque où la mer a forgé la fierté teintée de romantisme du peuple néerlandais.
« De Ruyter » : le belliqueux
La carrure taillée dans le roc, forte tête et solitaire, Michel de Ruyter a l’étoffe d’un héros issu de la Pléiade d’Homère. Attiré dès ses onze ans dans les filets de l’aventure, il est d’abord corsaire au large de la Zélande – la province néerlandaise où il est né – et des côtes de l’Irlande, dont il parle couramment la langue.
Le jeune de Ruyter est réputé pour son tempérament bouillonnant, il aime le risque et refuse la hiérarchie. À peine âgé de vingt ans, il est affublé du pseudonyme « To-Raid » (en néerlandais « de Ruyter »), c’est-à-dire Le Belliqueux, un surnom qui va désormais être son nom.
Ambitieux, à jamais libre, De Ruyter quitte la Manche pour prendre le large vers les eaux glacées de l’océan Arctique, où il chasse la baleine jusqu’en 1635. Au cours de sa vie, il donne des noms évocateurs à ses bateaux, qui trahissent sa sensibilité romantique : La Brume, lorsqu’il part combattre les Espagnols et traquer les pirates dans la mer Méditerranée ; La Salamandre, avec lequel il vogue jusqu’aux Indes ; Le Chasseur de Temps, lorsqu’il est nommé vice-amiral de la marine d’Amsterdam en 1655, où il s’installe, avant de partir guerroyer contre les Suédois en mer du Nord.
En 1667, il repousse les Anglais
Par trois fois, il trouve le temps de se marier entre deux ports. Ennobli par le roi du Danemark en 1660, de Ruyter fuit les fioritures de la cour pour le seul plaisir de prendre la mer au corps et dévaler ses horizons : les Caraïbes, le Spitzberg...
Il prouve définitivement sa bravoure en 1667, lorsque, amiral guerrier, il inflige une défaite cinglante aux Anglais et conduit ses soldats aux portes de Londres.
La guerre anglo-néerlandaise débutée quinze ans plus tôt prend fin. Michel de Ruyter devient le sauveur de la nation. La même année, il se prête un instant au protocole, pour permettre au peintre Ferdinand Bol d’immortaliser son portrait. Il arbore un front haut et sévère, des sourcils ombrageux, laissant deviner le caractère indomptable du vieux loup de mer. Son bras droit repose symboliquement sur un planisphère, à côté d’un compas et d’une carte du monde, qui rappellent les objets dépeints deux ans plus tard par le peintre Vermeer dans Le Géographe.
Héros aux mille visages
L’imaginaire qu’il va susciter à travers les siècles fait de lui une figure d’autorité. Ainsi, les affiches étonnantes, imaginées par la Gestapo allemande pour les Pays-Bas au cours de la Seconde Guerre mondiale. La silhouette de Michel de Ruyter y adjure les badauds de s’enrôler dans la Luftwaffe pour lutter contre l’ennemi traditionnel, les Anglais.
Dans un autre registre, le portrait du héros a été décliné en de nombreuses caricatures, comme celle publiée en août 2005. Affublé d’un sourire sympathique et d’une paire de lunettes, il est associé au Premier ministre Jan Peter Balkenende. Cette année, alors que les Pays-Bas fêtent les quatre cents ans de la naissance du « grand-père », la Banque nationale a sorti une pièce de cinq euros à son effigie. Une cérémonie lui a été consacrée dans l’église magistrale de la Nieuwe Kerk, à Amsterdam, où il a été inhumé en 1677 à l’emplacement de l’autel.
Michel de Ruyter est un peu le Soldat inconnu français des Pays-Bas. Pourtant, le héros altruiste et romantique d’antan semble être devenu une figure à double tranchant aujourd’hui. Tandis que les nationalistes voient en lui l’image du Néerlandais de souche, son mythe perpétue l’esprit d’ouverture bien connu des Pays-Bas.
1607 Naissance de Michel de Ruyter à Vlissingen, aux Pays-Bas. 1622 Rejoint la flotte nationale néerlandaise, pour laquelle il travaille comme guerrier et comme marchand. 1652 Participe à la Première Guerre anglo-néerlandaise, après laquelle il sera promu vice-amiral de la marine d’Amsterdam. 1665-1667 Il prend le commandement de la deuxième guerre anglo-hollandaise. 1666 Remporte la bataille des quatre jours, la plus grande victoire de l’histoire des Provinces-Unies. 1672-1673 Vainqueur des batailles de Solebay et de Texel. 1676 Mortellement blessé à Messine, au large de la Sicile, dans une bataille contre les Français. Son corps est inhumé dans la Nieuwe Kerk à Amsterdam en 1677.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
De Ruyter
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°595 du 1 octobre 2007, avec le titre suivant : De Ruyter