couvent

De l’objet de culte au culte de l’objet

L'ŒIL

Le 1 décembre 2000 - 373 mots

L’exposition « Vingt stations de l’objet » est née des discussions entre l’écrivain italien Umberto Eco et le Nouveau Réaliste Arman. Le sculpteur nous livre sa vision artistique et arbitraire de vingt siècles de création, de la naissance du Christianisme à l’apparition de la photographie et de la voiture. Ses choix personnels ne sont pas seulement formels mais idéologiques. Sa logique, qu’il qualifie de « perverse », le conduit à choisir des objets qui sont pour lui un prétexte à la création d’une œuvre d’art. Ainsi, retient-il du Ier siècle de notre ère le symbole christique. Quatre rectangles faits de néons blancs, très lumineux, créent un espace obscur et impalpable, à l’image d’une croix virtuelle. Le parcours se poursuit avec un hommage à l’astronome Hypatia pour le IVe siècle. Directrice de la Bibliothèque d’Alexandrie, elle est, selon l’artiste, « l’image de la femme moderne, libre, cultivée. Elle est morte dépecée à coups de couteaux..., coupée en tranches, comme les livres (...). L’Antiquité nous est arrivée par morceaux... d’où des morceaux de livres... » Pour l’Islam, né au VIIe siècle, l’artiste reprend une vieille technique qui est celle des peintures de brosse où l’outil reste sur la toile ; un fond vert, des croissants rouges et une calligraphie arabe complètent le tout. Lorsqu’il a abordé le XVIIIe siècle, son œil incisif s’est arrêté sur la guillotine ; objet à la fois « symbole négatif du siècle ou symbole positif, la mort du tyran », remarque Umberto Eco. « Cette guillotine, je la démolis, je la torture, j’en fait une colère épouvantable. Car même si la Révolution a été quelque chose de bien, on remarque que les révolutions se terminent toujours par des exécutions. »  Le parcours s’achève par un hymne au symbole même de notre temps, la voiture. « C’est avec le modèle Ford T, la première voiture utilitaire, que commence le taylorisme, cette logique de la production sérielle qui est devenue la logique de toute la technologie contemporaine », rappelle Umberto Eco. Arman la qualifie de manière excessive d’un membre supplémentaire et précise malicieusement : « Un homme si tu le bouscules dans la rue ça passe, mais si tu touches à sa voiture !... »

PARIS, Couvent des Cordeliers, 20 décembre-21 mars.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°522 du 1 décembre 2000, avec le titre suivant : De l’objet de culte au culte de l’objet

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