Jusqu’à maintenant, les principales voies offertes aux jeunes diplômés étaient l’agence, le free-lance ou le département créatif d’une grande entreprise. Mais depuis quelques années, souhaitant améliorer la qualité visuelle de leurs produits, des petites et moyennes entreprises n’hésitent plus à embaucher un designer. L’expatriation connaît aussi une forte croissance. Toutefois, la difficulté à trouver un emploi stable n’épargne pas les jeunes créateurs.
Le design “n’est pas plus touché par la crise que les autres secteurs”, observe Élisabeth Vitou, de l’École nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad). Anne Duvigneau, de l’agence Dragon Rouge (packaging, identité visuelle et architecture intérieure), confirme à sa façon ce constat puisqu’elle a trouvé un emploi “tout de suite”, en sortant de l’École supérieure des arts graphiques (Esag). “L’agence a directement contacté l’école, explique-t-elle, et j’ai été choisie parmi dix candidats”. Cet exemple ne doit pas faire illusion, mais il démontre le rôle actif que les écoles jouent dans le placement des élèves. D’abord, en imposant des stages pendant la scolarité, puis en exigeant, comme à l’Ensad, du futur diplômé qu’il s’associe à une entreprise pour la réalisation de son projet de fin d’études. Sa concrétisation est alors la meilleure des recommandations auprès d’un futur employeur. La Délégation aux arts plastiques, qui exerce sa tutelle sur les écoles des beaux-arts, fait actuellement réaliser des études sur les débouchés offerts aux étudiants. Une centaine de DNSEP option design sont délivrés chaque année par les 29 écoles enseignant cette discipline, et des enquêtes menées dans cinq d’entre elles ont livré des résultats encourageants : près de 80 % d’insertion professionnelle dans les deux ans, et pour la plupart dans le domaine artistique et para-artistique. Cependant, le placement définitif peut prendre un certain temps : “Les élèves trouvent des stages tout de suite, mais ce n’est souvent qu’au bout de cinq ans qu’ils trouvent un contrat à durée indéterminée” correspondant à leurs aspirations, souligne Élisabeth Vitou. Même observation à l’École Camondo. Ce passage par les stages et les contrats à durée déterminée peut néanmoins s’avérer nécessaire pour compléter la formation et s’essayer à des travaux de toutes sortes. Quand on postule dans une agence, “le “book” est plus important que le CV”, constate Raphaël Voisin, titulaire du DSAA de l’École Boulle. Benoît Higel, directeur de création à l’agence Carré Noir et ancien élève de l’école de Strasbourg, confirme l’importance de savoir constituer son “book” : “C’est la première carte de visite et il ne faut pas la rater”. Il consacre donc une partie de ses cours à l’Académie Charpentier à cette question.
Qui sont les employeurs ?
Ce sont d’abord les agences, spécialisées en design produit, publicité, communication, architecture intérieure… Carré noir, ECM, Dragon Rouge sont quelques-unes des plus importantes actuellement. Que des collaborateurs de ces agences enseignent dans des écoles, à Reims par exemple, prépare les élèves aux exigences de leur futur métier. De plus, comme le remarque Anne Duvigneau, les effectifs tournent beaucoup, il y a souvent des places à prendre. Pourtant, la demande varie selon les secteurs : si la publicité n’est plus aussi triomphante que dans les années quatre-vingt, “le marché de la PLV (publicité sur le lieu de vente) est énorme, estime Raphaël Voisin. Le renouvellement est constant, et le produit remis en valeur tous les quatre mois”. Le graphisme connaît également une forte expansion, parallèle à celle du multimédia.
Dans le domaine de l’industrie, les grandes entreprises – comme Adidas, Peugeot ou Alcatel – ont en général leur département de design intégré et sont donc toujours à la recherche de nouveaux talents. Mais à côté de ce débouché traditionnel, la prise de conscience progressive par les PME de l’intérêt du design ouvre de nouvelles perspectives aux étudiants. Jean-Luc Barassard, chargé du développement à l’École de design des Pays de Loire, à Nantes, cite les exemples d’entreprises de la région qui ont créé un poste de designer. Celles-ci fabriquent aussi bien des bijoux que de l’accastillage de bateaux, des accessoires de salle de bains que du mobilier. “L’avenir est ouvert dans les PME pour la création d’un catalogue, l’emballage des produits, la définition du produit…” et, de ce point de vue, “les designers polyvalents ont plus de chance”. À l’Ensad, on confirme que “les entreprises ont besoin de créatifs. Les commerciaux ne suffisent plus”.
Le dur choix de l’indépendance
“Je conseille rarement à un jeune de s’installer en free-lance, explique Benoît Higel. Ça demande une véritable exigence. Il faut une discipline pour que ce soit une vraie liberté”. Il oriente plutôt ses élèves de l’Académie Charpentier vers les agences, car ils en tirent toujours un bénéfice. En revanche, il n’est pas aisé de convaincre une entreprise de confier un projet à de jeunes designers indépendants n’ayant que peu de réalisations à leur actif. De plus, les projets, surtout dans l’industrie, se développent sur un temps assez long, ce qui retarde d’autant le versement des rémunérations. Malgré tout, l’ENSCI estime à 26 % la proportion de ses élèves qui choisissent de créer leur propre structure.
Le départ vers l’étranger est un choix que font un nombre croissant de jeunes diplômés français, quelle que soit la formation suivie auparavant. Les étudiants en design n’échappent pas à cette tendance. Benoît Higel considère qu’“on ne peut que les encourager à s’expatrier”, non pas parce que le travail manque en France, mais pour renforcer leur formation. À l’étranger, ils peuvent en outre “bénéficier de l’aura française”. À l’heure où le langage des signes s’unifie, cette ouverture semble d’ailleurs aller de soi. Françoise Jollant, directrice de l’École Camondo, observe que ses anciens élèves partent aussi bien pour l’Asie du Sud-Est, dont les pays sont très demandeurs de design, que pour la Grande-Bretagne ou les États-Unis. De même, à Créapôle, 6 % des effectifs quittent la France pour les destinations les plus diverses.
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De l’agence à la PME, des débouchés variés
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°54 du 13 février 1998, avec le titre suivant : De l’agence à la PME, des débouchés variés