En proposant la première exposition personnelle de l’artiste irlandais James Coleman dans un pays de langue allemande, le KunstÂmuseum de Lucerne prouve une fois de plus la vocation de médiateur culturel des musées suisses. L’institution propose un point de vue rétrospectif des \"Projected Images\" de l’artiste datant de 1972 à 1994.
LUCERNE - La rétrospective des œuvres de l’artiste depuis 1972 regroupe une série de sept pièces présentées en alternance par groupe de trois.
Au début des années soixante-dix, James Coleman avait abandonné la peinture au profit d’autres médias : le film, la vidéo, la photographie et le théâtre. À partir de cette époque, la projection de diapositives accompagnées d’une synchronisation sonore devient son support préféré. Slide Piece (1972), la première œuvre de ce type de l’artiste, consiste en la projection d’une diapositive d’un square de Milan, ville dans laquelle il vivait à l’époque.
La taille de l’image obtenue entretient l’ambiguïté entre celle d’une grande peinture et celle d’un petit écran de cinéma. La photographie projetée reste la même, alors que le commentaire, dit par une même voix masculine autoritaire et sans appel, s’attache successivement à différentes parties de celle-ci. Ces remarques non hiérarchisées mettent en évidence les différentes perceptions possibles d’une image identique, mais également les influences du langage sur la vision.
Les quatorze scènes documentaires de Charon (MIT), une pièce de 1989, présentent principalement des intérieurs contemporains dans une esthétique proche de la publicité ou du marketing. Une voix off commente sur un même ton affirmatif le vu et le non-vu, et plaque sur l’image une structure narrative qui, bien que plausible, n’en demeure pas moins subjective.
La trilogie Background (1992), Lapsus Exposure (1993) et I.N.I.T.I.A.L.S. (1994) met en scène théâtralement différents personnages évoluant dans des espaces étonnants, une salle d’opération d’hôpital, par exemple, pour la dernière pièce.
Si le traitement des images fait référence aux séries télévisées, aux romans photos, il n’y a pas ici de récit en tant que tel, mais plutôt un ballet de personnages dont le sens reste implacablement hermétique. Dans I.N.I.T.I.A.L.S., la voix d’enfant accompagnant la projection intensifie cet effet de dé-construction en épelant les mots ou en pratiquant le collage syntaxique. La distance entre la projection et le spectateur laisse un espace vacant au sens pour placer la problématique au niveau de la connaissance elle-même.
Les " Projected Images " de Coleman, présentées en 1994 au Dia Center for the Arts de New York et dont la ville suisse a l’exclusivité européenne, s’inscrivent à Lucerne dans une problématique de la perception et de la compréhension initiée par les expositions de Rémy Zaugg et de Jeff Wall. L’on regrettera cependant que la destruction d’une partie du musée (voir encadré) ait contraint le conservateur à fractionner en trois parties la présentation des pièces.
"James Coleman : Projected images" 1972-1994, jusqu’au 18 juin. Kunstmuseum Luzern, Robert-Zund-Strasse 1, 6002 Lucerne. Tél. (41) 23 10 24. Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 17h, le mercredi de 10h à 21h. Catalogue édité par le Dia Center for the Art, New York. 108 p., 34 FS.
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De la projection à la perception
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°14 du 1 mai 1995, avec le titre suivant : De la projection à la perception