Le 30 mars 1853, il y a tout juste cent cinquante ans, naissait Vincent van Gogh. À l’occasion de cet anniversaire, le Van Gogh Museum d’Amsterdam a réuni près de 200 œuvres du peintre et des artistes qui l’ont influencé, tels Rembrandt, Delacroix, Millet ou Gauguin. Un choix non exhaustif qui a été dicté par la riche correspondance que Van Gogh a laissée. Il en résulte un parcours plaisant, sans grande surprise, à aborder comme une flânerie.
AMSTERDAM - Quel rapport entre Frans Hals, Ary Scheffer, Corot, Jules Breton, Courbet, Gauguin et Monet ? Tous ces artistes sont réunis au Van Gogh Museum d’Amsterdam, qui célèbre les cent cinquante ans de la naissance de Vincent van Gogh à travers son musée imaginaire. Les commissaires de l’exposition se sont plongés dans la riche correspondance de Van Gogh pour choisir, parmi les quelque 1 500 œuvres identifiées dans ses écrits, celles qui paraissaient les plus significatives de ses goûts et aspirations artistiques. Au-delà de Rembrandt, Millet et Delacroix, dont les reproductions ornaient les murs de son atelier, Van Gogh appréciait le travail de maîtres anciens, comme Ruisdael et Van Goyen, celui de ses contemporains Von Herkomer ou Gérôme, et, bien sûr, l’œuvre de ses amis Toulouse-Lautrec, Gauguin, Bernard, Signac et Seurat. Leurs peintures et dessins sont mis ici au regard des propres créations de Van Gogh, selon une scénographie à la fois chronologique et thématique. “Nous n’avons pas recherché des correspondances visuelles directes ou des influences s’inscrivant dans le cadre de l’histoire de l’art. Nous nous sommes fondés sur une ample approche thématique et avons tenté d’indiquer les qualités que Van Gogh cherchait dans l’art de ses prédécesseurs et contemporains ; nous avons essayé également de définir les critères qu’il utilisait pour juger – admirer ou condamner – les œuvres d’art”, explique dans le catalogue John Leighton, directeur du musée.
Le parcours commence avec les années de jeunesse de Van Gogh, auxquelles font allusion des œuvres comme La Ferme dans la vallée (1835), de John Constable. La toile rappelle ses activités de marchand de tableaux, notamment chez Goupil & Cie (1873-1875), à Londres. Sont ensuite évoqués des sujets chers au peintre néerlandais : la religion, la nature ou la vie paysanne, dont Millet s’était fait le chantre. De l’artiste, Van Gogh réalise quantité de copies comme La Tondeuse de mouton (1860), dont il apprécie la grande modernité. “Peindre le personnage paysan en action, voilà, je le répète, qui est essentiellement moderne, le cœur même de l’art moderne”, écrivait Van Gogh, considérant qu’il faut peindre les paysans “comme si on était un des leurs”. Une théorie qu’il applique à ses Mangeurs de pommes de terres (1885), scène de la vie quotidienne saisie dans toute sa banalité. D’après une gravure de sa collection, il réinterprète le célèbre Semeur (1850) de Millet dans Semeur au soleil couchant (1888). Détail amusant : les oiseaux qui volent dans le ciel, juste au-dessus du paysan de Millet, ont été transformés par Van Gogh en graines jetées par le personnage. Cette modification pourrait s’expliquer par la petite taille de la reproduction de Van Gogh, qui ne lui permettait pas de saisir tous les éléments de l’original.
Une douce rêverie
Parmi les peintres de prédilection de Van Gogh, Rembrandt, “magicien des magiciens”, occupe une place particulière. Son Autoportrait de 1669 est exposé aux côtés du célèbre Autoportrait au chevalet (1888). Dans le même ordre d’idées, le musée a pu réunir la Nature morte avec cafetière, vaisselle et fruits, probablement inspirée de La Cafetière bleue (1888) d’Émile Bernard. “As-tu jamais fait mieux et as-tu jamais davantage été toi et quelqu’un ? Pas à mon avis”, avait alors écrit Vincent à son ami. De Delacroix, Van Gogh appréciait particulièrement Le Christ sur le lac de Génésareth (1853), qu’il qualifiait de “géniale esquisse”. Sont également présentés des portraits de personnages qui ont marqué Van Gogh, comme Victor Hugo ou le collectionneur et mécène Alfred Bruyas, croqué par différents artistes. Placée sur un chevalet, dans un petit espace clos évoquant l’atelier de Van Gogh, la Nature morte aux coings et citrons (1887) est entourée d’estampes japonaises et de gravures signées Daumier, Lhermitte, Toulouse-Lautrec. Leur accrochage ne permet pas, hélas, une bonne lisibilité. Nombre de toiles réunies ici figuraient déjà dans l’exposition “Van Gogh et Gauguin”, organisée l’année dernière au musée (lire le JdA n° 147, 19 avril 2002). C’est le cas de l’Autoportrait au chevalet, des Mangeurs de pomme de terre, mais aussi des deux Autoportraits de Gauguin et Bernard, réalisés en 1888 à la demande de Vincent, ainsi que du Portait de Van Gogh peignant des tournesols de Gauguin. Sans grande surprise, le parcours incite les visiteurs à une douce rêverie : outre les sources d’inspiration de Vincent van Gogh, c’est bien sa propre imagination qu’il s’agit d’explorer.
Jusqu’au 15 juin, Van Gogh Museum, Paulus Potterstraat 7, Amsterdam, Pays-Bas, tél. 31 20 570 52 00, tlj 10h-18h, www.vangoghmuseum.nl. Catalogue, éditions de La Martinière/Fonds Mercator (Anvers), 320 p., 50 euros.
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Dans la peau de Vincent van Gogh
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Abonnez-vous dès 1 €Le Kröller-Müller Museum, à Otterlo (Pays-Bas), fête lui aussi le 150e anniversaire de Van Gogh à travers une sélection de dessins et tableaux de sa riche collection (jusqu’au 12 octobre, tél. 31 318 59 15 15). Outre la présence de très belles œuvres, comme Terrasse d’un café la nuit (1888), l’accrochage – organisé selon l’ordre chronologique d’achat des tableaux – manque de pertinence et se révèle plutôt confus. Un sentiment accentué par la présence de documents divers, tels que des échantillons de peintures datant des années 1920 à aujourd’hui, des pièces de mobilier ou des informations sur l’“affaire Wacher”?, marchand d’art berlinois qui vendait des faux. Par ailleurs, du 27 juin au 12 octobre, le Van Gogh Museum d’Amsterdam présentera, en collaboration avec le Stedelijk Museum d’Amsterdam, “Gogh Modern”?, une sélection d’œuvres datant de 1945 à aujourd’hui et ayant un rapport plus ou moins direct avec le peintre.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°166 du 7 mars 2003, avec le titre suivant : Dans la peau de Vincent van Gogh