« … Et Ruth se demandait/Immobile, ouvrant l’œil à moitié sous ses voiles,/ Quel Dieu, quel moissonneur de l’éternel été/Avait, en s’en allant, négligemment jeté/Cette faucille d’or dans le champ des étoiles.»
Irrésistiblement, face aux œuvres de Daniel Tremblay, dramatiquement disparu au tournant d’une route en 1985, les vers de Victor Hugo reviennent à la mémoire.
Yeux clos, le visage serein, la figure paisible de son personnage appartient désormais à une histoire suspendue.
Troisième depuis sa disparition, l’exposition que lui consacre le musée des Beaux-Arts d’Angers vient nous rappeler cette figure bienheureuse, auteur d’une création singulière, animée d’un souffle poétique comme il en fut peu au début des années 1980. Paillasson, moquette, caoutchouc, treillis métallique, passoire, perles, etc., l’artiste n’avait pas son pareil pour déduire des matériaux les plus simples des images de rêve. Pour transformer une faucille en croissant de lune, une carpette en une nuit étoilée. Pour dessiner sur un vulgaire bout de caoutchouc la figure spiralée d’un cosmos.
Né en 1950 dans ce pays angevin qui lui était cher, Daniel Tremblay après des études à l’école des Beaux-Arts d’Angers avait séjourné au Royal College of Art de Londres. Il y fréquenta ceux qui n’allaient pas tarder à constituer cette « nouvelle sculpture anglaise » – les Bill Woodrow, David Mach, Tony Cragg et autres – qui conjugua tradition et modernité dans un détournement poétique et dérisoire de l’objet. Rentré en France, Tremblay contribua à sa manière à ce retour au figurable qui anima le début des années 1980 en réaction à la domination des avant-gardes minimales et conceptuelles.
Son œuvre, brève, mais forte et généreuse, conserve vive cette qualité d’éblouissement qui la rend si attachante. Si elle a contribué à élargir la notion de sculpture en se déclinant dans une occupation tous azimuts de l’espace, c’est que Daniel Tremblay se définissait lui-même comme un sculpteur de « bas-relief ».
L’exposition d’Angers réunit toutes les œuvres de l’artiste conservées dans les collections publiques, toutes celles qui ont été offertes au musée tant par sa famille que par Farideh Cadot, son marchand, et la réplique d’une installation faite de cartes postales, The Last Wave, qu’il avait créée en 1984 aux États-Unis. Le tout compose ainsi comme une très complète anthologie de son art.
« Daniel Tremblay », musée des Beaux-Arts, 14, rue du Musée, Angers (49), www.musees.angers.fr, jusqu’au 3 mai 2009.
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Daniel Tremblay
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°609 du 1 janvier 2009, avec le titre suivant : Daniel Tremblay