Art contemporain

Paris-16e

Dana Schutz, une peinture qui bouscule

Musée d’art moderne – Jusqu’au 11 février 2024

Par Amélie Adamo · L'ŒIL

Le 21 novembre 2023 - 348 mots

Gueules  - Le premier tableau de l’exposition ? Une femme qui éternue. Jaillit de son nez une explosion morveuse de couleurs.

Exposition Dana Schutz : Le monde visible au MAM Paris © Photo Ludovic Sanejouand pour LeJournaldesArts.fr
Exposition « Dana Schutz : Le monde visible » au MAM Paris.
© Photo Ludovic Sanejouand pour LeJournaldesArts.fr

Rose, jaune, bleu, rouge. La matière est épaisse. La gestuelle est vigoureuse. Une manière d’entrer sans détour dans le propos de l’exposition : il sera ici question de peinture. De « vraie » peinture. Pas d’une imagerie un peu trop photographique, pas de la répétition d’un déjà-vu, pas d’allégeance à un consensus mou, comme on en voit beaucoup ces temps-ci. La peinture de Dana Schutz, c’est une peinture du corps, de la matière. Une peinture qui prend le risque de la singularité, dans le sujet comme dans la forme. Une peinture qui dérange. Qui n’est pas jolie. Et ça fait un bien fou de se sentir bousculé. Dans ses goûts, dans son regard, dans son corps. Bousculé, vous l’êtes lorsque vous vous retrouvez planté face aux figures peintes par Dana Schutz. Des têtes qui ne sont clairement pas dans la séduction ni le souci de ressemblance photographique. Des têtes qui sont des gueules déformées, des gueules à l’envers, des gueules carnassières, des gueules prothèses, des gueules béances, des gueules ouvertes. Des gueules de chair arrachée. Parce qu’il n’est question que de chair dans cette peinture, qui travaille la matière tout en épaisseur et violence gestuelle. Bousculé, vous l’êtes encore lorsque vous vous retrouvez planté devant ces grandes compositions qui viennent remuer votre regard sur le monde actuel. Des compositions « politiques » mais dont le sens n’est jamais figé et où l’artiste revisite avec singularité les grands sujets au travers de l’œuvre des aînés qu’elle a regardés et digérés. Prométhée, Sisyphe, Christ, Gisant, Parabole des aveugles. Ambivalentes, ses figures le sont toujours, seules ou en nombre. Elles suggèrent plus qu’elles ne disent : la folie des hommes et le naufrage du monde. Il y a dans la peinture de Dana Schutz une force de la matière, une crudité non condescendante, une folie imaginative, qui résonnent avec l’univers de Raphaëlle Ricol, une peintre française de la même génération. Elle aurait clairement eu sa place, elle aussi, sur les cimaises de ce prestigieux musée.

Exposition Dana Schutz : Le monde visible au MAM Paris © Photo Ludovic Sanejouand pour LeJournaldesArts.fr
Exposition « Dana Schutz : Le monde visible » au MAM Paris.
© Photo Ludovic Sanejouand pour LeJournaldesArts.fr
« Dana Schutz. Le monde visible »,
Musée d’art moderne, 11, avenue du Président-Wilson, Paris-16e, www.mam.paris.fr

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°770 du 1 décembre 2023, avec le titre suivant : Dana Schutz, une peinture qui bouscule

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque