Depuis la fin des années soixante-dix, Tony Cragg incarne mieux qu’aucun autre artiste le renouveau de la sculpture anglaise. Avant le panorama qui sera consacré à celle-ci au Jeu de Paume au mois de juin, voici l’occasion de vérifier la pertinence de l’un de ses acteurs essentiels à travers une quarantaine d’œuvres.
PARIS - On trouve en la personne de Tony Cragg (né en 1949, à Liverpool) un artiste complet, comme on le dit d’un athlète quand, outre les qualités qui font de lui un professionnel, il possède aussi cette capacité de sursaut qui déstabilise l’adversaire et ravit le spectateur. Sur des bases solides, dont la nécessité lui aura probablement été enseignée au cours de ses études scientifiques, il a construit une œuvre rigoureuse, qui peut alors s’autoriser toutes les fantaisies. On l’a vu déconstruire et construire des formes à partir de fragments plastiques de nos riches et modernes poubelles, avec application et opiniâtreté, faisant craindre un temps qu’il ne se satisfasse d’une formule intelligente mais peu prometteuse. C’était l’époque où les jeunes artistes croyaient redécouvrir l’image et ses vertus libératoires, ou ne lui trouvaient d’autre nécessité que stratégique. Cragg, quant à lui, y trouvait les raisons d’un jeu sérieux.
L’espace et le fini
Renonçant à jouir de règles trop claires dont d’autres que lui auraient pu faire usage, il a progressivement délaissé la critique littérale du monde contemporain pour s’intéresser à des formes et des procédures plus organiques, tout en élargissant ses œuvres dans un rapport plus strict et plus prolifique à l’espace. Inattendues, parfois spectaculaires, souvent ironiques, ses sculptures ont alors trouvé leur véritable place dans une dimension métaphorique qui ne prétendait jamais à la totalité. Comme son compatriote Richard Deacon, avec lequel il partage le devant de la scène britannique, Cragg a toujours mis au service de ses idées un métier presque classique, un souci de la perfection technique qui confère à ses œuvres un fini auquel certaines tendances contemporaines avaient déshabitué le spectateur. Fini irréprochable mais jamais ostentatoire, qui lui a aussi permis de faire coexister apparences sensuelles de la matière et pointes critiques de l’œuvre sans contorsions théoriques.
Des photographies des années 1972-1977 jusqu’aux quatre œuvres spécialement conçues pour cette rétrospective, on jugera de l’évolution à la fois placide et déterminée de son travail. De nombreuses pièces, en particulier celles qui appartiennent à l’artiste, n’ont pas encore été vues en France. Le catalogue, sous la direction de Catherine Grenier, qui est aussi commissaire de l’exposition, comprend différents textes et un entretien avec l’artiste.
TONY CRAGG, Centre Georges Pompidou, galerie Sud, jusqu’au 15 avril. Tous les jours sauf le mardi de 12h à 20h. Catalogue sous la direction de Catherine Grenier, 316 pages, 200 F.
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Cragg archéologue
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°22 du 1 février 1996, avec le titre suivant : Cragg archéologue