Couper-coller

Cette intrusion du quotidien et du non-artistique, sous la forme de modestes morceaux de papier découpés dans un journal et intégrés dans une nature morte, imprima un tournant décisif à l’évolution de la pratique artistique. Le collage était né et allait nourrir ardemment les avant-gardes. Du cubisme au surréalisme en passant par Dada et l’Art concret, tous les chantres de la modernité allaient céder à la plasticité nouvelle de ces œuvres construites avec des fragments de papier découpé, de réclames, de photographie, de tissu, de toile cirée, mais aussi de rebuts.

Révolution esthétique, le collage constitue aussi une réflexion sur le statut de la représentation, une mise à distance du geste de l’artiste qui produit des œuvres visuellement très efficaces, rapides et économiques à produire. Pour toutes ces raisons, le collage et son corollaire, le photomontage, s’imposent comme les armes de prédilection des artistes engagés. Mais, comme le démontre avec finesse l’exposition de l’Espace de l’Art concret, cette dimension politisée, longtemps privilégiée dans l’étude de la discipline, ne doit cependant pas occulter la pluralité des expérimentations plastiques ouverte par cette pratique. Construisant des ponts thématiques, formels et conceptuels entre des pièces historiques et contemporaines, l’exposition témoigne au contraire de la polysémie et de la pérennité de cet art.