« Qui a peur du bleu, du rouge et du jaune ? » : c’est le titre d’une série de toiles peintes par Barnett Newman en 1966. En évoquant les trois couleurs primaires, l’artiste se référait à une tradition moderniste de la couleur pure, initiée par le fauvisme puis radicalisée par l’art abstrait, avant de connaître de nombreux développements. La couleur pure fut ainsi un des signes de la radicalité artistique, perçue comme agressive, ou décorative.
Le parti, ou le pari, de la couleur, fait écho à la vieille querelle des anciens et des modernes, qui opposait les partisans du dessin, censé saisir les choses dans leur permanence et leur vérité, à ceux de la couleur, suspecte, car liée à la sensation et à l’éphémère, vouée à la séduction.
En reprenant le titre de Newman à son compte, l’exposition entend montrer comment certains enjeux assumés par les grands aînés du XXe siècle (dont plusieurs sont représentés : Sonia Delaunay, Yves Klein, Aurélie Nemours...) sont encore à l’œuvre dans la création contemporaine. Et comment celle-ci met la couleur en jeu dans des perspectives nouvelles.
Il est significatif que le parcours s’ouvre par des photographies (John Batho) : la couleur n’est plus l’apanage de la peinture, elle est aussi lumière, matérialisée en photographie, ou immatérielle, comme dans les voiles de Cécile Bart ou les « tableaux » de Gottfried Honegger ne renfermant que de la couleur réverbérée. D’autres artistes s’attachent au contraire à la matérialité de la couleur, dont
la tache proclame l’autonomie (D. Lecoudre, J. Baldessari), ou qui s’exalte dans les pâtes épaisses de Marian Breedveld ou d’Eugène Leroy.
Son indépendance s’affirme aussi par un emploi arbitraire qui subvertit, ou parfois même reconstruit le sens de l’image (scènes narratives peintes en bleu de Jacques Monory).
Aux procédures traditionnelles comme la superposition des couleurs (objectivée par François Jeune qui laisse des « témoins » des différentes strates), viennent s’ajouter diverses pratiques et notamment le découpage, à travers un large spectre (de Christian Bonnefoi aux affiches lacérées de Jacques Villeglé).
Mais la couleur peut aussi obéir à un code, soit établi par l’artiste lui-même (Jean-François Dubreuil) soit emprunté à la société (Tania Mouraud déclinant les couleurs des médailles et insignes militaires dans ses « décorations » à double sens). Et ses rapports à l’objet sont multiples, des bouteilles de gaz en plastique jaune d’Étienne Bossu, au « ready-made color » d’Antoine Perrot.
« Qui a peur du bleu, du rouge et du jaune ? », TANLAY (89), centre d’art de l’Yonne, place du général de Gaulle, tél. 03 86 75 76 33, jusqu’au 28 septembre.
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Couleurs d’aujourd’hui
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°550 du 1 septembre 2003, avec le titre suivant : Couleurs d’aujourd’hui