Et si les Russes n’avaient qu’une seule idée en tête : prendre la poudre d’escampette”‰? Pas par n’importe quel chemin, mais par le ciel”‰? Une idée si fortement ancrée dans la société qu’il s’agirait d’une quasi-utopie collective ?
C’est la question posée par l’exposition « Le cosmos russe », cornaquée au Castello Di Rivoli, près de Turin, par la survitaminée Olga Sviblova, qui explore le thème de l’espace dans l’art russe depuis plus d’un siècle.
« La culture américaine s’est construite autour de Barbie. La culture russe, autour du cosmos », caricature à l’envi la directrice et fondatrice du Musée d’art et de multimédia de Moscou. Qui n’a peut-être pas entièrement tort. Après tout, si les Américains ont Neil Armstrong, les Russes possèdent Constantin Tsiolkovski (1857-1935), père de l’astronautique, Sergueï Korolev (1907-1966), initiateur du programme spatial russe, et Iouri Gagarine (1934-1969), premier homme à avoir voyagé dans l’espace en 1961. Et les trois héros font rêver tout un peuple. Pas toujours de manière poétique d’ailleurs, comme lorsque les Blue Noses ont la fumeuse idée de tirer un feu d’artifice depuis l’intérieur de leur... pantalon. Spectacle et brûlures garantis ! Bien avant eux, d’autres se sont brûlés eux-aussi, les ailes cette fois, au bûcher des idées : Malevitch, par exemple, qui, s’il n’a pas rêvé d’espace, avait la tête dans les étoiles. Ses dessins de 1916 de formes flottantes suprématistes ont-ils inspiré les « visions » de Tsiolkovski crayonnant en 1933 des premiers cosmonautes en apesanteur, dignes de Kubrick, dans les marges de son Album de voyageurs cosmiques ? L’artiste contemporain Pavel Pepperstein, lui, s’en souvient en tout cas, comme de Tatlin et de Nikolaï Suetin, lorsqu’il dessine en 2009 des villes et leurs aéroports suprématistes. Car en Russie, semble-t-il, cosmique rime avec utopique, souvent même avec mystique. En témoignent la Résurrection de Vasily Checrygin en 1922 et, plus récemment, le cosmonaute crucifié de Viacheslav Mizin (2011). Question d’élévation sans doute.
Mais, certes plus terre à terre, la raison de l’intérêt des Russes pour le cosmos est-elle peut-être aussi à chercher du côté du climatique. L’ange prisonnier des hautes neiges, filmé par Leonid Tishkov, n’a qu’une seule solution pour échapper à la rudesse du climat russe : ses ailes. Voler ou jouer sur les toboggans pour enfants en forme de fusées installées au milieu de cités sans âmes par les autorités et photographiées par Boris Mikhailov. S’échapper par les airs donc ou, en attendant son jour, par l’imaginaire.
Castello di Rivoli, Musée d’art contemporain, piazza Mafalda di Savoia, Rivoli (Italie), www.castellodirivoli.org
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Cosmodrome russe
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°643 du 1 février 2012, avec le titre suivant : Cosmodrome russe