Reprenant le propos de Rimbaud dans lequel le poète expliquait qu’il ne maîtrise pas ce qui s’exprime en lui – Le « voyant » précisant : « C’est faux de dire : « Je pense ».
On devrait dire : « On me pense » –, l’exposition collective « Je est un.e autre », conçue par Alexandre Bohn, directeur du Frac à Angoulême, réunit une vingtaine d’artistes contemporains (Ludovic Chemarin©, John Currin, Sarah Jones, Abel Techer, Julia Wachtel, Olivier Zabat…) se penchant sur la notion de portrait sous toutes ses formes. De l’autoportrait au brouillage des genres via le carnavalesque qui se joue de l’inversion des classes sociales à coups de métamorphoses, travestissements et autres créations chimériques, le parcours déploie une série de pièces diverses (peintures, photographies, écrits, vidéos…) faisant du vivant le lieu de toutes les constructions identitaires, tant réelles que fantasmées, aboutissant à une multitude de possibles. N’hésitant pas à glisser vers la marge, des Sud-Africains comme Zanele Muholi et Athi-Patra Ruga se focalisent sur les populations noires LGBTI (Lesbienne, Gay, Bi, Transgenre, Intersexe), tout en s’assurant de ne pas s’attirer des d’ennuis – un cartel à l’entrée précise que « certaines œuvres peuvent heurter certaines sensibilités » . Cette manifestation chorale, habilement agencée, finit par interroger le genre tant identitaire qu’artistique. Nombre de plasticiens présentés ici, tels Brice Dellsperger, Regina Möller et Ernest T., qui revisitent les poncifs du cinéma de genre, de la photographie publicitaire et du milieu de l’art, en viennent à questionner brillamment tant la complexité de l’humaine nature que le statut de l’œuvre d’art.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°711 du 1 avril 2018, avec le titre suivant : Confusion des genres