À Montpellier, l’exposition « Le Canada et l’impressionnisme » met en lumière la contribution des artistes canadiens au mouvement français et ouvre un nouveau chapitre de l’histoire de l’impressionnisme.
Capitale incontestée de l’art moderne au XIXe siècle, Paris agit tel un aimant sur les jeunes artistes du monde entier. Entre 1880 et 1920, ce sont ainsi deux générations de peintres canadiens qui traversent l’Atlantique pour se former et tenter de se faire une place dans la Ville lumière. Ils sont d’abord attirés par l’aura des célèbres maîtres académiques dont ils suivent l’enseignement à l’École des beaux-arts ou dans les nombreuses académies privées, comme Julian et Colarossi, qui voient le jour. Rapidement, ils se détachent cependant de cet enseignement en découvrant les innovations de la jeune garde : les impressionnistes. Les peintres canadiens tirent les leçons de cette nouvelle façon de peindre et s’approprient les sujets de prédilection de Monet, Renoir ou Pissarro. Ils représentent notamment les loisirs et les lieux à la mode. Et tout particulièrement le quartier de Montparnasse, où ils s’installent massivement, attirés par le dynamisme des ateliers d’artistes qui y fleurissent alors.
Considéré comme le premier Canadien à embrasser totalement les préceptes de l’impressionnisme, William Blair Bruce s’installe à Paris en 1881. Il étudie à l’Académie Julian, mais se détourne de l’enseignement en atelier, car il aspire à travailler sur le motif. Il part sur les pas de ses aînés et plante son chevalet à Barbizon. La nature devient alors sa source principale d’inspiration. Après un passage décisif dans cette célèbre forêt francilienne, il s’installe dans un charmant village normand : Giverny. Là-bas, il fonde avec des artistes américains, dont Robinson et Metcalf, une colonie de peintres travaillant dans le sillage de leur fameux voisin : Claude Monet. À l’image du chef de file du mouvement, Bruce peint inlassablement dans les champs et sur les berges de la rivière. Il s’approprie même des motifs distinctifs du vocabulaire de Monet, à commencer par ses mythiques coquelicots, qu’il restitue avec une grande maîtrise de la couleur pure et une touche fragmentée virevoltante.
Si les Canadiens qui débarquent à Paris sont d’abord intéressés par la représentation des activités emblématiques de la vie moderne et la représentation du paysage urbain, ils délaissent rapidement le tumulte citadin et succombent à l’appel au calme de la vie rurale. Nombreux sont ainsi les peintres à arpenter la campagne francilienne et à immortaliser les rives de la Seine ou du Loing, dans le sillage de Monet, Sisley et Pissarro. Ces évocations de la vie champêtre sont surtout le prétexte à capturer les changements atmosphériques incessants et à se confronter à la représentation d’une lumière plus vive et expressive qu’en ville. Alors que les personnages se dissolvent toujours plus dans leur environnement, la lumière et son traitement deviennent les véritables enjeux de ces tableaux où les pigments sont appliqués avec une grande liberté. Peu connu de ce côté-ci de l’Atlantique, Suzor-Coté signe quelques-uns des plus beaux paysages évanescents de l’école canadienne.
Les loisirs et les scènes de bord de mer occupent une place centrale dans le répertoire impressionniste. L’évocation de ce monde insouciant, oisif et respirant la joie de vivre séduit tout particulièrement Clarence Gagnon, qui arpente les stations balnéaires « à la mode ». Le peintre croque à plusieurs reprises les plages très courues de Saint-Malo et de Dinard. Plus que par les paysages côtiers, Gagnon est surtout intéressé par la représentation de vacanciers en goguette. Un motif alors furieusement à la mode qui lui assure les faveurs d’une clientèle bourgeoise, flattée d’être immortalisée dans ses loisirs. Ce sujet lui offre aussi l’opportunité de se mesurer à la représentation d’effets atmosphériques sans cesse changeants. Sa touche aérienne et floutée traduit littéralement la sensation de la brise. Ses tableaux légers restituent également la sensation d’éblouissement provoqué par le soleil au zénith en plein été. Éblouissement encore rehaussé par les vêtements blancs des chics vacancières.
Parmi les phénomènes météorologiques plébiscités par les impressionnistes, la neige est évidemment celui qui a le plus passionné les Canadiens. Le talentueux Maurice Cullen va même faire de ce motif sa marque de fabrique. Ses premiers tableaux sur le sujet sont fortement influencés par les représentations de Pissarro, Sisley sans oublier Monet. De retour dans son pays natal, il s’émancipe de l’héritage de ses illustres aînés. Il élabore des compositions plus personnelles où la neige est omniprésente et le rapport à l’espace différent, car ses paysages frappent par leur splendeur autant que par leur rudesse. Cullen se distingue par la force narrative de ses tableaux – le halage du bois au milieu d’une forêt enneigée ou encore la récolte de glace –, mais aussi par la manière dont il restitue avec brio l’effet brillant de la lumière du soleil sur la surface blanche. Ses œuvres fortes et originales donnent une impulsion cruciale à l’éclosion d’une école de peinture moderne locale.
Fait rare dans la peinture moderne, l’école canadienne accorde une place relativement importante aux artistes femmes. D’eux d’entre elles ont surtout connu le succès : Laura Muntz et Helen McNicoll. Elles ont inscrit leurs pas dans ceux de leurs aînées, Berthe Morisot et Mary Cassatt, les pionnières de l’impressionnisme en France. À l’image de ces dernières, les peintres canadiennes ont cependant été cantonnées aux sujets liés à la sphère intime et au monde de l’enfance. Elles ont ainsi essentiellement représenté des jeunes femmes affairées cousant, brodant, lisant ou profitant de moments de loisir. Elles sont aussi les auteures de portraits de petites filles modèles, qui mettent toutefois l’accent sur la vie intérieure des personnages. Elles sont aussi connues pour leurs scènes de genre montrant des jeunes filles et des enfants plongés dans leurs activités, notamment au jardin. Des figures attendrissantes, campées dans un environnement chaleureux et familier, qui incarnent l’insouciance.
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Comprendre l’impressionnisme au Canada
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°736 du 1 septembre 2020, avec le titre suivant : Comprendre l’impressionnisme au Canada