La création est-elle plus libre sous la contrainte ? Une partie de l’histoire de l’art récent semble en tout cas vouloir le démontrer.
Depuis Monet et ses Cathédrales, les artistes sont nombreux en effet à s’être imposé un dogme, un programme de création – parfois de vie – et à n’y avoir (presque) jamais dérogé, puisant là une forme de liberté. Leur liberté. C’est l’association des lignes verticales et horizontales chez Piet Mondrian ou encore la suite infinie des nombres chez Roman Opalka. Autant de chemins qui ont délivré les artistes de la contingence du sujet, tout en les débarrassant de la dure nécessité de se renouveler voire, aussi, du risque d’échouer. La liberté, quoi !
À sa manière, Philippe Cognée s’inscrit dans le fil de cette histoire-là. Depuis les années 1990, en effet, l’artiste utilise une technique qu’il a mise au point, toujours la même. Il prend une photo avec son appareil ou son caméscope – ou la récupère sur Google Earth – d’un bâtiment, d’une personne, d’une carcasse, d’un supermarché, qu’il retouche ensuite sur Photoshop avant de la reproduire sur toile. Recouverte d’un film plastique Rhodoïd, la peinture à la cire est ensuite chauffée au fer à repasser. Par cette opération, Cognée obtient cet effet si reconnaissable de formes désagrégées, à la limite de la lisibilité. Rien ne ressemble plus à un Cognée qu’un Cognée, comme un Van Gogh ressemble toujours à un autre Van Gogh.
D’aucuns crient au procédé. « Il me faut me décomplexer d’utiliser l’appareil photo, le caméscope ou Google Earth. C’est ainsi que je gagne ma liberté. » Et il a raison. Car sa peinture ne se résume pas à une simple technique, si séduisante soit-elle. Plus qu’une technique, il s’agit d’une signature. Davantage qu’une signature, un programme : ramener les différents sujets à un même niveau pour finalement forcer le regard à voir le réel autrement. C’est d’ailleurs dans la répétition que l’œuvre du peintre prend son sens, comme le montre, après Grenoble, la rétrospective du Musée de Dole. On aurait pu craindre de s’y ennuyer, l’exposition, au contraire, est d’une grande richesse. Certes, la séduction opère, mais cette dernière, loin de se limiter au seul « effet », pose quelques questions fondamentales : qu’est-ce que la peinture au deuxième millénaire ? Que signifie l’acte de peindre en 2013 ? Notre environnement si déshumanisé se prête-t-il à la représentation ? Tout un programme.
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Cognée, la liberté par la contrainte
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Abonnez-vous dès 1 €« Philippe Cognée », Musée des beaux-arts de Dole, 85, rue des Arènes, Dole (39), www.musees-franchecomte.com
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°657 du 1 mai 2013, avec le titre suivant : Cognée, la liberté par la contrainte