COLLIOURE
Les photographies et surtout les assemblages du prix Nobel de littérature participent de la même démarche que ses travaux d’écrivain.
Collioure. Le charmant petit Musée d’art moderne de Collioure poursuit son exploration des artistes régionaux avec l’écrivain Claude Simon (1913-2005). L’inattendu prix Nobel de littérature (1985) a en effet plus que des attaches avec le Roussillon. Dans les années 1930, il réside en alternance entre Paris et Collioure et, après la guerre, il séjourne régulièrement dans son mas viticole de Salses – qui lui procure une certaine aisance financière.
Avant d’être écrivain, Claude Simon voulait être artiste, il a brièvement étudié aux Beaux-Arts et dans l’atelier d’André Lhote. On ne voit cependant aucun de ses tableaux dans l’exposition – ils auraient été détruits à sa demande –, tout au plus a-t-on un aperçu de ses talents de dessinateur avec deux dessins très postérieurs, le représentant à sa table de travail. De sa période de jeunesse, les commissaires, Claire Muchir, directrice des lieux, et Mireille Calle-Gruber, biographe de l’artiste, présentent deux photographies de 1938.
Au sortir de la guerre qui ne le laisse pas indemne – mobilisé, il participe aux combats, est emprisonné et s’évade –, il commence à publier plusieurs romans et, en parallèle, reprend ses travaux d’artistes. D’abord la photographie dont il fait lui-même les tirages en noir et blanc. L’exposition montre une série de clichés de graffitis et d’étranges formes qui s’avèrent être des branches de bois projetant leur ombre sur le sable. Autant ses photographies sont désincarnées, autant ses assemblages et collages font la part belle à la figure, surtout féminine. Il découpe ces représentations dans des magazines, des revues d’art – on reconnaît d’anciens numéros de L’œil – et les dispose sur de grands paravents au moyen de punaises.
Cette juxtaposition de « tableaux détachés » – une expression qu’il emprunte à Gustave Flaubert – n’est pas sans rapport avec son travail d’écrivain où il s’efforce de retranscrire la simultanéité des émotions et impressions visuelles. L’exposition et le catalogue expliquent d’ailleurs fort pertinemment comment Claude Simon a « fabriqué » La Route des Flandres (1960) en matérialisant les différents chapitres pour trouver la meilleure composition possible. Artiste discret, Claude Simon a toute sa vie été influencé par d’autres artistes : Louise Nevelson, Kurt Schwitters, Robert Rauschenberg dont des œuvres ont été prêtées au musée.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°572 du 3 septembre 2021, avec le titre suivant : Claude Simon, l’écrivain artiste