Clarck et Pougnaud

Ils auraient pu choisir un autre peintre, ils en conviennent. Mais, « tout chez Hopper nous réunissait : l’univers narratif et théâtralisé de ses tableaux, essentiel pour nous », souligne Virginie Pougnaud. « Et les États-Unis où je suis né et où Virginie a vécu un temps, mais aussi les années 1920-1940 qui correspondent pour le jazz à une période que j’affectionne », poursuit Clark, musicien par ailleurs. Ils ne savaient pas alors s’ils pourraient vivre seulement de la photographie. Le succès immédiat de ces images, aux États-Unis et en France, les a engagés à poursuivre.

Cinq photographies de cette série fondatrice sont exposées dans la monographie que leur consacre aujourd’hui le Centre d’art contemporain de la Matmut – Daniel Havis. Celles qui suivent appartiennent à d’autres réalisées depuis, quasiment sur le même principe : Virginie peint et fabrique les décors et Christophe photographie la mise en scène qu’ils ont imaginée ensemble avec leur modèle, central dans la construction de chaque image. « Tout part de notre rencontre avec une personne et de notre envie de fabriquer une histoire avec elle, ou bien d’une rencontre avec l’œuvre d’un artiste comme celle de James Bellocq, dont les photographies de prostituées de la Nouvelles-Orléans, réalisées au début du XXe siècle, ont inspiré la série Intimité», explique Virginie. Leurs modèles, quasi exclusivement des femmes, sont des comédiennes ou des femmes de leur entourage. Leur série inédite À poils, née de l’idée de réaliser une série de portraits de femmes à partir de fourrures qu’elles ont conservées dans leurs armoires, n’y déroge pas. On peut y identifier Caroline, modèle dans Hommage à Edward Hopper et Mood Indigo, une série de natures mortes épurées, montrant également leur volonté de ne pas se laisser enfermer dans un seul registre. La violence est toutefois exempte de leur univers. « On l’a vécue. On lui tourne le dos pour aller chercher de la douceur le plus possible. » Leur travail sur la perception du nu et la présence du corps, mené avec des danseuses revêtues d’une combinaison couleur chair recouvrant entièrement le corps, est d’ailleurs né de ce besoin après avoir traversé une période difficile. Le déménagement, il y a trois ans, de Paris pour la campagne a donné la possibilité à Virginie Pougnaud de travailler sur de plus grands formats et à Christophe Clark d’opérer en lumière naturelle. Éden, composition de ce que nature, vergers et jardins leur offraient de juin à octobre, est le fruit de ce changement. On y retrouve leur attrait pour les couleurs, leurs harmonies, veloutés et éclats, et ce pouvoir narratif qui suspend le temps et crée un monde d’intériorités et de contes, exprimé à chaque fois en peu d’images, trois à douze selon la série. Quant à la tentation de mener à un moment donné chacun sa propre route, aucun des deux n’y a jamais pensé, car, disent-ils, l’œil espiègle : « Nous sommes très fusionnels. »