synagogue

Christian Lapie, la mémoire dressée

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 novembre 2000 - 300 mots

À Xian, en plein cœur de la province chinoise du Shaanxi, l’impressionnante armée en terre cuite des guerriers de l’empereur Qin Shi Huangdi se dresse en rangs serrés dans une implacable présence. Découverte en 1974, elle est venue rappeler au monde une page oubliée de l’Histoire. Il en est ainsi de certaines œuvres, conçues pour tenir l’esprit éveillé à la mémoire de l’homme. Parce que l’art de Christian Lapie est requis par une telle attitude – déterminée par ce qu’il convient de qualifier de « devoir de mémoire » –, la petite commune de Sulzburg, sise en Bade Wurtemberg, a invité l’artiste à intervenir in situ pour commémorer la déportation massive dont sa population juive avait été victime à l’automne 1940. Originaire de Champagne, une terre pour le moins chargée d’un lourd passé, Christian Lapie développe depuis une dizaine d’années une œuvre qu’il veut forte d’une conscience de l’Histoire. Les deux installations qu’il a réalisées, l’une à l’entrée de la ville, l’autre à l’intérieur de la synagogue désaffectée, transformée en lieu culturel, sont pareillement constituées du regroupement de figures monumentales et puissantes, directement taillées dans des troncs d’arbres éclatés et traités pour leur donner un aspect carbonisé. Qu’elles se dressent à la verticale en réunion mystérieuse ou qu’elles s’entassent comme des gisants en de puissants carrés, elles font bloc et gagnent une incroyable résistance. On pense aux pleurants bourguignons comme aux figures mémorables de Giacometti : la même apparente simplicité et cette même force d’aplomb qui les attache définitivement au sol. À l’instar de celle de ses prédécesseurs, l’œuvre de Christian Lapie, parce qu’elle évite les pièges de l’anecdote et de l’illustration, détermine les termes d’un langage universel, immédiat et sensible. D’emblée, ses figures font signe, comme toutes celles qui procèdent de la grande statuaire.

SULZBURG, Synagogue, jusqu’au 26 novembre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°521 du 1 novembre 2000, avec le titre suivant : Christian Lapie, la mémoire dressée

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