Tout commence par un jeu de piste. Il faut se fier à des poteaux, signés Daniel Buren. Sa réflexion sur la signalétique urbaine guide les pas des chercheurs de trésors à travers Nantes, mais devient aussi le motif d’un relais de bannières. À vous de jouer pour vous repérer dans les dédales des « Trésors publics ». Ces drapeaux, deuxième volet de Chemin faisant, conduisent tout droit au château des ducs de Bretagne. L’imposant édifice, érigé à partir du XIIIe siècle, reçoit en ses salles une avalanche de peinture. « Un tableau dans le décor. Peinture 1970-2000 » offre un parcours chronologique au cœur d’un médium qui n’aura cessé d’être tourmenté par ses détracteurs, sans que jamais ils ne l’abandonnent pour autant. Des années 1970, ont été retenues les compositions de Yayoi Kusama, Frank Stella, Supports/Surfaces, BMPT, Claude Rutault, Gerhard Richter parmi une sélection alléchante. Les années 1980 sont ponctuées par les œuvres de Bertrand Lavier ou Bernard Frize mais surtout relayées par une explosion dans la décennie suivante. Pêle-mêle, se croisent toutes les peintures : murales pour Lily van der Stokker, automobiles pour Pascal Pinaud, géométriques pour Stéphane Dafflon ou John Tremblay, environnementales pour Stéphane Calais. Cette grande exposition répond à l’invasion picturale de Peter Kogler dans la galerie de l’école des Beaux-Arts où un entrelacement de formes organiques et abstraites contamine tout l’espace, du sol au plafond pour noyer le regard et confondre la peinture dans l’environnement graphique de papier peint.
Le tableau est sorti radicalement de son cadre, dissolvant ainsi les conceptions les plus classiques de cette technique pour amener à une transition naturelle vers l’image. Le Lieu Unique s’est vu convier la tâche d’instaurer un dialogue entre des œuvres contemporaines et le public. Avec Cinéma Liberté de Douglas Gordon et Rirkrit Tiravanija, le visiteur est invité à voir des films censurés ou interdits. Une vidéo d’Aernout Mik et une installation de Niek van de Steeg viennent compléter cette tentative de rendre l’art contemporain plus parlant auprès du grand public. On peut poursuivre ce parcours en plongeant dans l’univers trouble et inquiétant des Ombres de Christian Boltanski, projetées dans la chapelle de l’oratoire. Retour vers l’enfance, la peur primaire du noir, à ces aventures qui naissent dans l’inquiétude, à la faveur d’un bruissement ou d’une oscillation de lumière. Cet ancien lieu de prière, offre un cadre encore plus mystérieux à la chorégraphie menaçante qu’exécutent de petites figurines de papier au gré d’un ballet aérien de ventilateur et d’ampoules. Après une expérience aussi intime, le retour au quotidien pourrait bien être adouci par l’« État des choses », exposition orchestrée autour de deux cents œuvres au musée des Beaux-Arts. Le démarrage, didactique, est classé par mouvement. Une galerie d’objets où se regroupent les spécialistes du genre, du nouveau réalisme au Pop Art en passant par Fluxus. L’entrée en matière, plutôt littérale, s’affine avec les sculptures de Tony Cragg, de Bertrand Lavier, de John Armleder, sans délaisser la grandiloquence décadente de Jeff Koons ou de McCarthy, dont on attend avec impatience le retour de la Colonial Tea Cup rose et motorisée, tout droit sortie d’Alice au Pays des Merveilles et de Gulliver. L’éventail des emprunts à la réalité est large, de Claude Closky à Xavier Veilhan, de Richard Fauguet à Carsten Höller, de Franck Scurti à l’Atelier Van Lieshout. L’objectif des « Trésors publics » de Nantes semble en parti atteint dans ses choix, car vaincre les réticences et les idées reçues sans pousser le spectateur dans ses retranchements, nécessite surtout un peu de réalisme.
NANTES (44), « L’état des choses », musée des Beaux-Arts, tél. 02 51 81 97 41, jusqu’au 12 octobre ; « Un tableau dans le décor. Peintures 1970-2000 », château des ducs de Bretagne, tél. 02 40 41 56 56, jusqu’au 12 octobre ; « Cinéma Liberté », Le Lieu Unique, tél. 02 51 82 15 00, jusqu’au 5 octobre ; « Christian Boltanski, Les Ombres », chapelle de l’oratoire, jusqu’au 12 octobre ; « Daniel Buren, Chemin faisant, travaux in situ », jusqu’au 15 octobre ; « Peter Kogler », galerie de l’école régionale des Beaux-Arts, tél. 02 40 35 90 20, jusqu’au 12 octobre.
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Chercheurs de trésors
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°549 du 1 juillet 2003, avec le titre suivant : Chercheurs de trésors