Habituellement dispersées entre une dizaine de monuments historiques de l’État, soixante treize tapisseries du XVIIe siècle sont rassemblées dans le cadre du château de Chambord, à l’initiative de la Caisse nationale des monuments historiques et des sites. Cette exposition, la plus importante sur le sujet depuis celle de l’Orangerie de Versailles en 1967, rend compte de la politique d’acquisition de l’État et pourrait être suivie d’un second volet consacré aux tentures du XVIe siècle, en 1999.
CHAMBORD - Abordant le dernier tiers de la vaste exposition de tapisseries qu’a organisée la Caisse nationale des monuments historiques et des sites (CNMHS) au château de Chambord, le visiteur risque d’être un peu dérouté. En effet, après plusieurs espaces aux proportions majestueuses qui mettent naturellement en valeur les tentures, se succèdent d’étroites galeries, des goulets d’étranglement et des salles manifestement sous-dimensionnées pour la taille des œuvres exposées.
Le début de l’exposition est pourtant réjouissant, avec les tapisseries de l’Histoire de Scipion (Bruxelles, cartons de Jules Romains, le Primatice, Penni et d’artistes inconnus, achetées en 1981 et 1986) qui jouent de tous leurs reflets d’or et d’argent dans les salles des communs d’Orléans. Les Chasses du roi François (Paris, cartons de Laurent Guyot), disposées au second étage du château, dans les salles en croix qui entourent le célèbre escalier à double révolution, sont par définition chez elles, en dépit du fait qu’elles ont été réalisées près d’un siècle après la mort de François Ier. Enfin, les salles adjacentes du Musée de la chasse et de la nature accueillent avec bonheur trois tentures d’après des modèles de Simon Vouet : les histoires d’Ulysse (Amiens), des Amours des Dieux (Amiens) et de l’Ancien testament (Paris, acquis en 1971). Mais voici qu’arrivé aux appartements de la duchesse d’Étampes, tout ce bel ordonnancement s’effrite.
Dans un obscur cul-de-sac
Ainsi, Lucrèce, Roxane, Cléopâtre et trois autres Femmes illustres de l’Antiquité (Aubusson, modèles de Charles Poërson (?), acquises en 1992) perdent assurément de leur superbe dans le couloir où elles sont confinées. De même pour trois tapisseries de l’Histoire d’Alexandre (Aubusson, cartons de Charles Le Brun), qui manquent singulièrement de panache dans le boyau où elles sont reléguées. Et que dire du clou de cette épopée, La bataille d’Arbelles (Bruxelles, acquise par dation en 1988), accrochée dans un obscur cul-de-sac ? Pour ceux qui connaissent l’immense toile que Le Brun a réalisée sur ce même sujet, exposée dans une salle du Louvre aux côtés d’autres exploits du Macédonien, la déception est grande.
Le fait d’avoir voulu montrer la manière dont étaient utilisées ces tentures dans de petites pièces est loin de justifier ces choix. Pourquoi, par exemple, ne pas avoir exposé ce dernier tiers de tapisseries aux murs des salles en croix du rez-de-chaussée et du premier étage, comme les Chasses du roi François au second ? Heureusement que "la réouverture du Musée de la Chasse a volontairement été retardée pour permettre à l’exposition actuelle de se déployer dans toutes les salles", comme l’a rappelé Maryvonne de Saint-Pulgent, directeur du Patrimoine et présidente de la CNMHS, le jour de l’inauguration : il y a des kilomètres de couloirs à Chambord !
LISSES ET DÉLICES, CHEFS-D’ŒUVRE DE LA TAPISSERIE DE HENRI IV À LOUIS XIV, jusqu’au 5 janvier, château de Chambord, tél. 02 54 50 40 00, tlj sauf 25 décembre et 1er janvier, 9h30-17h15. Catalogue sous la direction de Bruno Saunier, 312 p., environ 300 ill. coul. et n. & b., 335 F.
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Chambord entre en lice
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°30 du 1 novembre 1996, avec le titre suivant : Chambord entre en lice