Cham Soutine

L’inclassable modernité

Par Lina Mistretta · L'ŒIL

Le 30 mai 2008 - 320 mots

Ce qui est fascinant dans l’œuvre du peintre Chaïm Soutine (1893-1943), c’est la violence avec laquelle il aborde les êtres, le monde et la peinture.

On l’a étiqueté artiste maudit. Il fut singulier et solitaire, en marge des préoccupations et courants de son époque qu’il  vécut comme une sorte de malentendu. On l’inscrit  dans le mouvement expressionniste alors que son travail s’est développé quasiment en dehors des mouvements de son temps. On loue sa  modernité visionnaire, lui qui ne fut que relativement influencé par les manifestations du modernisme.
L’exposition qui se tient à Bâle (lire « Partir à… », p. 118) tente de cerner les particularités de cet artiste inclassable dont l’œuvre toute personnelle renvoie aux émotions universelles. Lorsqu’il peint, Soutine déforme, triture avec une violence hargneuse sa palette et ses sujets. Les portraits aux corps dissymétriques, aux mains crispées ou résignées, pleins de tension intérieure, projettent son propre mal-être ; les paysages tourmentés et chaotiques, affranchis de toutes règles de composition, dégoulinent de détresse ; les natures mortes d’une verticalité vertigineuse, pathétiques et isolées résument sa solitude.
Seules les  natures mortes plus anciennes sont contrôlées et plus sereines. Sa palette flamboyante, alternant matière et fluidité, utilise des rouges magnifiques (pour les enfants de chœur et les bœufs écorchés) et plus tard les bleus-verts (pour les natures mortes) et les blancs (pour les pâtissiers).
La visite – thématique – souffre de la linéarité des salles, heureusement cassée par la puissance des œuvres présentées. Elle commence par les paysages de Céret dont le chaos nous aspire et nous entraîne à la fois au-dedans et en dehors du tableau. Céret est à Soutine ce que la montagne Sainte-Victoire est à Cézanne.Elle se termine par les paysages de Cagnes-sur-Mer où le tourbillon s’essouffle et les formes, enfin, sont posées les unes à côté des autres.

Voir

« Soutine et le modernisme », Kunstmuseum, St. Alban-Graben 16, 4010 Bâle (Suisse), www.kunstmuseumbasel.ch, jusqu’au 7 juillet 2008.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°603 du 1 juin 2008, avec le titre suivant : Cham Soutine

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