Le Palais lumière d’Évian montre avec brio que l’univers de l’artiste est tout
aussi riche dans ses gravures que dans son œuvre peint.
EVIAN Heureuse surprise. On aurait pu croire qu’en organisant une exposition sur Marc Chagall, le Palais Lumière à Évian avait fait le choix d’une valeur sûre pour attirer les touristes de passage, nombreux en cette saison. Sans exclure cette arrière-pensée qui n’a rien d’infamante, l’idée de montrer uniquement l’œuvre imprimé de l’artiste fut judicieuse. Le parcours qui commence en 1922 et se poursuit jusqu’à la fin de la vie de Chagall permet de découvrir l’étendue de cette production graphique dont la richesse iconographique et stylistique n’est pas moindre que celle de la peinture. Et pour cause, car ces estampes et ces gravures gardent toujours des liens avec des toiles réalisées par le peintre, comme les variations musicales avec le thème principal. On constate ainsi qu’en passant d’un médium à autre, l’artiste ne se sépare pas de son univers particulier, où se mêlent culture yiddish et art populaire russe, judaïsme et christianisme, rationnel et absurde.
La tête dans les nuages
À l’entrée de l’exposition, une image emblématique : L’Acrobate au violon (1924). À la recherche de l’équilibre, debout sur un violon, cette figure traditionnelle prend vie dans les expressions de la langue juive. Il s’agit du Luftmensch, l’homme qui flotte, littéralement « l’homme de l’air », allégorie du Juif errant. Détaché du sol, l’art de Chagall est un défilé de figures qui virevoltent, de vaches rouges et violonistes sur des toits de maisons paysannes, de personnages aux têtes détachées ou renversées, de rabbins aux visages verts, de couples d’amoureux qui s’envolent, de coqs et ânes qui habitent le ciel. Le premier ensemble des gravures présenté à Évian (réalisé en 1924, à Berlin) donne au spectateur un aperçu de tout ce monde, réalisé pour illustrer l’autobiographie de Chagall.
Ensuite, c’est le bestiaire imaginaire qui envahit les salles de l’exposition. Si la vache semble particulièrement privilégiée chez le peintre – selon Blaise Cendrars Chagall « prend une vache et peint avec une vache » –, d’autres animaux (coq ou bélier, âne ou chèvre) en font partie. L’artiste se sert souvent de ces personnages à quatre pattes mais sans les ménager, en remettant en question leur appartenance aux espèces ou aux races différentes. Le coq s’achève en âne, la sirène en queue de poisson, la tête humaine est remplacée par une tête d’animal, les bêtes ont des membres humains, dont elles se servent pour jouer de la musique ou pour peindre. Ces hybrides qui peuplent Les Fables de La Fontaine, mais surtout Le Cirque, sont les gravures commandées d’Ambroise Vollard. Pour lui, Chagall réalise dix-neuf gouaches où, acrobates, trapézistes, jongleurs, dresseurs ou encore animaux de la ménagerie participent tous à un spectacle qui suspend momentanément les lois de la gravitation et permet diverses combinaisons de masses.
Curieusement, les illustrations bibliques (autre sujet essentiel de l’artiste) ou mythologiques sont moins convaincantes, car parfois fades ou frôlant le kitsch. Faut-il croire que l’imagination débridée de Chagall a besoin de partir du réel pour le transformer en rêve ?
Commissaire : Céline Chicha-Castex
Nombre d’œuvres : 300
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Chagall fait forte impression
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 2 novembre, Palais Lumière, rue de la source de Clermont, 74500 Évian-les-Bains, tél : 04 50 83 15 90, mardi-dimanche 10-19h, lundi 14-19h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°418 du 5 septembre 2014, avec le titre suivant : Chagall fait forte impression