Art moderne

XIXE SIÈCLE

Cézanne-Renoir, une rencontre sans enjeu

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 24 septembre 2024 - 524 mots

PARIS

Les musées d’Orsay et de l’Orangerie font voyager les œuvres des deux artistes. Aucun réel propos ne se dégage pourtant de la réunion de ces chefs-d’œuvre.

Martigny (Suisse). Comment ne pas être ému(e) par cette exposition lorsqu’on sait que, vivant ses derniers jours, Léonard Gianadda recevait sur son lit d’hôpital Claire Bernardi, directrice du Musée de l’Orangerie, et Cécile Girardeau, commissaire, qui lui décrivaient la manière dont les œuvres seraient présentées dans sa fondation ? Fidèle ami du Musée d’Orsay, le mécène était heureux et fier d’avoir fait de Martigny une étape dans le périple de la collection d’œuvres de Paul Cézanne (1839-1906) et d’Auguste Renoir (1841-1919) appartenant au Musée de l’Orangerie et, pour quelques-unes, au Musée d’Orsay. C’était aussi pour lui l’occasion de montrer la toile Objets en cuivre et vase de fleurs (vers 1860) et une lettre de 1895 de Cézanne, ainsi que la sanguine Jean Renoir dans les bras de Gabrielle (1895) et les toiles Jeune fille en buste de profil (1905) et Femme au chapeau de paille (1915) de Renoir, appartenant à la collection de la Fondation Pierre Gianadda.

Commencé à Milan et se poursuivant à Hongkong, Tokyo puis Séoul où l’exposition achèvera son périple le 25 janvier 2026, ce long voyage de plus de cinquante œuvres des collections nationales ne se justifie pas réellement. Certes, le public a bien affaire à des chefs-d’œuvre de l’Orangerie et d’Orsay. Cependant, comme l’écrit Cécile Girardeau dans le catalogue, « le rapprochement entre deux artistes aussi différents au premier abord […] étonne probablement aujourd’hui ». Rangés par thèmes – les deux peintres ont souvent abordé les mêmes –, les tableaux ne se font pas écho car les artistes ont, très tôt, pris des voies différentes.

Une simple mise en parallèle des œuvres

Le panneau d’introduction à l’exposition souligne l’amitié nouée entre les deux hommes qui se sont rencontrés au début des années 1860 et ont participé, en 1874, à la première exposition impressionniste. Il mentionne leurs marchands et collectionneurs communs qui ont construit et entretenu leur notoriété ; tous deux ont également eu une postérité chez les artistes qui leur ont succédé. Deux toiles de Pablo Picasso, Grande nature morte (1917) et Grand nu à la draperie (1923) témoignent de leur aura au début du XXe siècle. Mais le sujet, vaste et complexe, des influences croisées des deux peintres sur la modernité n’est pas développé dans l’exposition alors qu’il est abordé dans le catalogue.

Il ne reste donc qu’à contempler les paysages, les natures mortes, les nus ou les portraits et comparer les personnalités artistiques si dissemblables – Renoir dans la jouissance de la lumière et de la couleur, Cézanne se consacrant à la construction de la nature en volumes. L’occasion est à saisir car l’exiguïté des salles de l’Orangerie ne permet pas habituellement d’exposer l’intégralité des œuvres des deux artistes. Mais un certain malaise naît de ce que, dans cette mise en parallèle, ceux-ci ne se rencontrent jamais : faute de pouvoir demander des prêts à d’autres institutions pour construire un parcours beaucoup plus important comprenant notamment des œuvres d’artistes du XXe siècle, la commissaire n’a pas eu la possibilité de raconter leur destin commun.

Cézanne-Renoir, regards croisés. Chefs-d’œuvre des collections des Musées de l’Orangerie et d’Orsay,
jusqu’au 19 novembre, Fondation Pierre Gianadda, rue du Forum 59, Martigny (Suisse).

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°639 du 20 septembre 2024, avec le titre suivant : Cézanne-Renoir, une rencontre sans enjeu

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