Soucieuse de lutter contre l’inertie d’une culture contemporaine qui semble installée dans l’attente passive d’un changement, la Whitechapel Gallery de Londres organise, jusqu’au 12 novembre, une exposition préventive et pseudo-anarchique : “Protest and survive�? (Protester et survivre). Dans les années soixante, ce slogan a constitué le cri de ralliement pour des manifestations en faveur du désarmement nucléaire qui ont réuni plus de 100 000 personnes. Aujourd’hui, les artistes semblent retrouver cet esprit de lutte.
LONDRES (de notre correspondant) - Avec le temps, les années soixante nous paraissent empreintes d’une connotation contestataire que les artistes d’aujourd’hui semblent avoir retrouvée selon Matthew Higgs, l’un des commissaires de l’exposition avec Paul Noble. “Les protestations récentes comme Reclaim the Streets (Prenez possession de la rue) ou les manifestations contre le G8 ou la Banque mondiale concernent tout le monde, de la même façon que je me suis senti concerné par la grève des mineurs pendant les années quatre-vingt”, considère-t-il.
Mû par cet esprit “révolutionnaire”, Thomas Hirschhorn a brisé les vitres de l’une des salles de la Whitechapel et construit une passerelle provisoire qui la relie à une “librairie de la Liberté” voisine. Les visiteurs peuvent ainsi feuilleter des publications communistes et anarchistes. Comme beaucoup d’autres artistes, Hirschhorn a réalisé des œuvres spécialement pour cette exposition. Wolfgang Tillmans, qui fait partie de la présélection du Turner Prize 2000, publie The Big Issue , un magazine bimensuel au profit des sans-abri de Grande-Bretagne. Des exemplaires seront en vente au centre d’art.
Parcs à thèmes de l’art contemporain
Dans Est-ce moi ou le monde qui a changé ?, une nouvelle création de Jeremy Deller, ce dernier décrit son voyage à l’Exposition universelle de Hanovre en compagnie d’un clown vieillissant du nom de Bonzo. Il s’en prend aux manifestations gigantesques du capitalisme qui se cachent derrière la terminologie d’“exposition universelle”. Devant ce microcosme du monde des affaires, le clown vient symboliser les anciennes valeurs traditionnelles dégradées par le monde de l’argent. L’artiste avait surtout l’intention de filmer une rencontre entre le clown et Ronald McDonald, dont la chaîne de restauration rapide a sponsorisé l’Exposition de Hanovre. Animé d’un même esprit anticommercial, Wishing, de Rob Pruitt, déverse des litres d’eau d’Evian pour ridiculiser le slogan inscrit sur l’étiquette, “Pure eau de source”, qu’illustre une mare ornementale. Mais cette œuvre est aussi optimiste puisqu’elle invite les visiteurs à faire confiance à cette eau et à jeter des pièces de monnaie dans la mare ainsi formée.
Toujours dans ce renouveau nostalgique de l’art contestataire, la Whitechapel remet en scène plusieurs performances polémiques d’Endre Tót, comme ses actions de rue des années soixante-dix. Les participants brandissaient, par exemple, des affiches porteuses de slogans tels que “nous sommes fiers de brandir ces bannières”. Elle rejoue également une action de Jacques Charlier qui se joignait à des manifestations avec des affiches transparentes. Autre pièce ancienne, Treatment Room (1984), de Richard Hamilton, se présente sous la forme d’une installation à la Orwell, avec un environnement hospitalier dans lequel un écran de télévision placé de façon menaçante au-dessus d’un lit diffuse le discours d’investiture de Margaret Thatcher.
Une caricature au vitriol de la bande dessinée Private Eye, à propos des sommes considérables dépensées dans des projets culturels comme la Tate Modern, rappelle de façon très éloquente la difficulté de survivre. “Il est de plus en plus difficile de survivre matériellement quand on est artiste. Malgré une économie florissante, celui-ci est cruellement handicapé par le coût élevé de la vie et le revenu dérisoire qu’il touche”, souligne Matthew Higgs qui souhaiterait que le gouvernement cesse de distribuer directement les fonds de la Loterie aux “grands parcs à thèmes de l’art contemporain”.
- PROTEST AND SURVIVE, jusqu’au 12 novembre, Whitechapel Art Gallery, 80-82 Whitechapel High Street, Londres, tél. 44 020 7522 7878, tlj sauf lundi 11h-17h, mercredi 11h-20h ; catalogue, 48 p., 50 F.
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C’est la lutte finale !
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°111 du 22 septembre 2000, avec le titre suivant : C’est la lutte finale !