Rarement, une exposition aura affiché un intitulé plus sibyllin que « Coollustre ». Les deux précédents opus concoctés par Éric Troncy, « Dramatically Different » (Grenoble, 1997) et « Weather everything » (Leipzig, 1998), en avaient déjà laissé plus d’un circonspect par le brio des sélections d’œuvres et leur mariage parfois forcé, sans jamais être gratuit. Le suspens restait donc entier et surtout épais à l’ouverture de ce troisième volet. À quoi pouvait-on donc s’attendre à Avignon ? Au meilleur. Le meilleur de l’art contemporain tout d’abord, avec Ugo Rondinone, Gloria Friedman, Robert Gober, Thomas Ruff, Katharina Fritsch et Sylvie Fleury pour ne déflorer que les trois premières salles de l’hôtel de Caumont où se déploient habituellement les collections du galeriste parisien Yvon Lambert.
Le meilleur, ensuite, se trouve dans l’accrochage. N’hésitant pas à assumer des rapprochements purement formels entre les œuvres, l’impertinent commissaire offre ainsi une vision sensible de l’art, une expérience presque sentimentale exacerbée par un jeu de gammes chromatiques, de reflets ou d’ambiances. Souvent le résultat frise l’insolence mais offre certainement une des manières les plus libres et les plus décomplexées d’aborder une création contemporaine pointue. Entre une marqueterie de moquette à dominante violette de Philippe Parreno, un duo de boules roses et lumineuses d’Angela Bulloch, une date painting noire d’On Kawara et un miroir peint de Bertrand Lavier, on goûte au plaisir rétinien sans gêne, réservant pour plus tard une lecture conceptuelle des plus tordues. Le parcours en seize étapes est impressionnant de sensibilité et de perspicacité. Pas besoin d’être diplômé d’histoire de l’art pour se délecter, apprécier au moins la prouesse des hybridations concoctées avec effronterie à partir d’un éventail d’œuvres exceptionnelles. Le clou du spectacle se trouve à l’étage avec le prêt exceptionnel d’une sculpture de Katharina Fritsch, Tischgesellschaft, longue table (plus de quinze mètres) où quarante convives identiques se font face. Cette pièce, très connue, et rarement déployée dans une exposition collective, opère avec des nus photographiés par Helmut Newton, ses remake par Jean-Luc Verna, des œuvres de Pierre Huyghe, des M/M et de Kendell Geers, un dialogue volubile impensable. « Coollustre » est donc une réussite, pour le monde blasé de l’art contemporain comme pour le néophyte. Est-ce là la recette ? Un immense plaisir de l’art marié à une expérience frontale des œuvres ? À moins que tout soit dans le titre, le nom d’une crème hydratante pour le corps d’un grand label cosmétique américain, comme les deux autres précédentes expositions.
« Coollustre », AVIGNON (84), collection Lambert, 5 rue Violette, tél. 04 90 16 56 20, jusqu’au 28 septembre.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°549 du 1 juillet 2003, avec le titre suivant : C’est beau, c’est bien, c’est cool