PARIS
Au lendemain de l’armistice de 1918, l’histoire n’a pas été égale pour tous. À l’Ouest, la guerre est finie.
À l’Est, en revanche, les hostilités se poursuivent cinq longues années et bouleversent le visage de l’Europe et de ce qu’on appelle alors le Levant. Des pays baltes jusqu’à la Palestine en passant par l’Ukraine et « la poudrière » toujours active des Balkans, les conflits se propagent. De nouvelles nations aux identités encore à définir se créent et succèdent aux quatre anciens empires dissous. En officialisant les jeux d’influences entre les hommes politiques et les états-majors des grandes puissances, les traités dessinent au mépris des réalités du terrain des frontières qui coupent les villages et les campagnes. Partout, les populations minoritaires sont touchées par l’exode. Obtenus auprès des institutions de plus de quinze pays et montrés pour la plupart pour la première fois, les rapports, les cartes, les objets et les uniformes documentent ces drames oubliés des mémoires, comme cet émouvant télégramme évoquant le massacre des Arméniens ou ce passeport Nansen usé établi pour une réfugiée russe. Dans le même temps, la guerre s’est médiatisée. Des extraits de bobines Gaumont restaurées jamais vus auparavant et des affiches de propagande animent un circuit à la fois rigoureux et cohérent. Le regard approfondi que porte cette exposition sur des événements dont certains restèrent longtemps secrets permet de pressentir que les ferments de la seconde guerre à venir sont déjà là.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°718 du 1 décembre 2018, avec le titre suivant : Ces peuples privés de paix