A côté de la photographie de mode signée Lindbergh, Roversi, Avedon, Walker, etc., les Rencontres d’Arles dévoilent une production peu connue, plus attachée à capter le vêtement que la griffe.
Parler d’histoire de la photographie est un non-sens. Il serait plus juste de parler des histoires, au pluriel, de la photographie, tant il coexiste maintes pratiques. La photo d’auteur, par exemple, réalisée pour un public, publiée, exposée et commentée, se distingue du cliché anonyme classé dans un album ou sur un disque dur. Cette dernière image, à usage domestique, n’est pas destinée à être montrée – à Strasbourg, l’exposition « Instants anonymes » est l’exception qui confirme, jusqu’au 14 septembre, la règle –, tout comme la photo réalisée pour un usage professionnel, qui, elle, appartient autant à l’histoire du médium qu’à celle de sa corporation.
Du dépôt de modèle au look book
S’agit-il de la curiosité insatiable de Christian Lacroix ou de son statut de professionnel ? Le couturier donne à voir dans sa programmation des Rencontres d’Arles des témoignages de la photo documentaire de mode. Avec Olivier Saillard, il a par exemple exhumé des réserves du musée des Arts déco un ensemble inconnu de photographies de dépôts de modèles. Dans les années 1920-1930, Madeleine Vionnet, Jean Patou, Paul Poiret et d’autres maisons font réaliser des clichés quasi policiers de leurs créations qu’ils déposent à l’ONPI pour les protéger de la copie. Si quelques séries sont signées Man Ray, la plupart le sont d’auteurs inconnus. Ce qui compte, ici, c’est la fonction de l’image. Pourtant, même lourdement chartées, ces photos témoignent d’une mise en scène et, déjà, de la mise en place d’un univers qui sera propre à chaque maison de haute couture.
Autre pratique corporatiste : le look book. À l’issue d’un défilé, chaque créateur sort un dépliant montrant les vêtements de sa collection, utilisé par les commerciaux et les journalistes pour vendre et parler des créations. Parfois, comme chez Martin Margiela, le look book se situe à mi-chemin entre ce besoin d’inventaire – comparable au dépôt de modèle –, et la volonté dans la mise en page et les images de transposer l’esprit du créateur.
De cet aspect en revanche, le photographe de défilé se moque, tout entier tourné vers le témoignage de ce qui fait la collection. Ce qui lui vaut d’être très vite oublié, souvent même malmené par les magazines de mode qui lui préfèrent l’auteur de mises en scène où, souvent, ironie de l’histoire, le vêtement est le grand absent.
Informations pratiques. Les Rencontres d’Arles : expositions du 8 juillet au 14 septembre 2008. Directeur des Rencontres : François Hébel. Commissaire invité : Christian Lacroix. Programme sur : www.rencontres-arles.com
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Ces oubliées de la photo de mode
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Abonnez-vous dès 1 €Quel lien existe-t-il entre la photo de dépôt, de défilé et le look book ? Ces pratiques témoignent d’un besoin de protéger, de montrer, mais surtout de vendre. À Arles, avec Christian, nous avons souhaité revenir à ces fondamentaux, rappeler qu’avant d’être un débat artistique, la mode est d’abord un sujet commercial. À Arles, vous semblez davantage parler de vêtement que de mode... Le vêtement me réconcilie toujours avec la mode quand je suis fâché avec elle. Par ailleurs, parler d’habits permet de parler de créateurs qui, comme Margiela, Yamamoto ou Comme des garçons, ont pensé le vêtement avant de penser son image. Ce que d’autres ne font malheureusement pas toujours... Quel est l’avenir de la photo de mode ? Son avenir se joue aujourd’hui sur Internet. De plus en plus de blogs montrent des vêtements portés par des gens, dans la rue. Et c’est un juste retour de la mode qui s’était coupée de son public.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°604 du 1 juillet 2008, avec le titre suivant : Ces oubliées de la photo de mode