Après New York, Venise célèbre à son tour le centenaire de la naissance de Peggy Guggenheim avec une exposition dans sa dernière demeure, la Ca’ Venier dei Leoni, le palazzo classique inachevé sur le Grand Canal qu’elle avait acquis en décembre 1948.
VENISE (de notre correspondante) - Rodolfo Pallucchini, secrétaire de la première Biennale de l’après-guerre, est à l’origine du voyage de Peggy Guggenheim à Venise et de son attachement à la ville. Il lui avait alors offert d’exposer sa – déjà fameuse – collection d’art contemporain dans le Pavillon grec. Picasso, qui bénéficiait également d’une exposition personnelle sur la Lagune, et Pollock y présentaient leurs œuvres pour la première fois.
Du vivant de Peggy Guggenheim, son palais sur le Grand Canal avait toute la chaleur d’une maison habitée, même s’il abritait l’une des collections les plus importantes de notre siècle. L’Américaine l’ouvrait d’ailleurs gracieusement aux visiteurs trois jours par semaine, du printemps à l’automne. Son projet de donner sa collection à la Ville ayant échoué, Peggy a légué ses œuvres à la Fondation Solomon Guggenheim de New York, à charge pour elle de les exposer à Venise. En 1979, l’année de sa disparition, la Ca’ Venier dei Leoni a été transformée en musée d’art moderne, les espaces agrandis et l’ensemble régulièrement enrichi par de nouvelles acquisitions. D’ailleurs, si un musée d’art contemporain voit le jour à Venise, la Collection Peggy Guggenheim pourrait bien en être la cheville ouvrière.
L’exposition du centenaire doit être lue dans cette perspective d’ouverture sur l’avenir. L’Américaine y est omniprésente : des photographies signées Man Ray, ses portraits par Franz von Lenbach et Alfred Courmes, des témoignages par l’image de ses rencontres avec Giacometti, Max Ernst ou Pollock. Son livre d’hôtes renferme des croquis d’artistes (de Severini à Vedova et de Chagall à Miró), des poèmes, des partitions musicales de John Cage. Enfin, une large place est faite aux pièces collectionnées : un bronze de Jean Arp, un nu de Duchamp, des œuvres de son mari Max Ernst, une forêt de Pollock, et les hommages des Vénitiens Vedova, Pizzinato, Santomaso, Bucci, Tancredi. La synthèse, en somme de sa triple activité de galeriste. À Londres, d’abord, en 1938-1939, où elle avait organisé à la galerie Guggenheim Jeune, au cœur de Picadilly, une retentissante exposition de sculpture contemporaine (Arp, Brancusi, Calder, Moore, Pevsner) et la première monographie de Kandinsky dans la capitale britannique. À New York ensuite, de 1942 à 1947, dans l’espace Art of this Century aménagé de façon “révolutionnaire” par Frederik Kiesler. Puis à Venise, où elle s’est installée définitivement en 1948.
Si cet hommage à Peggy Guggenheim a lieu dans la nouvelle aile de son ancienne résidence vénitienne, l’espace réservé à la collection proprement dite a été entièrement repensé pour permettre une confrontation entre trois collectionneurs : Peggy, son oncle Solomon, et Gianni Mattioli. Les chefs-d’œuvre de Peggy sont exposés à côté des Kandinsky, Miró, Dubuffet, Modigliani, Franz Marc et Léger ayant appartenu à Salomon, et des Futuristes soigneusement sélectionnés par Mattioli.
La dernière œuvre entrée à la Peggy Guggenheim Collection est un collage de Conrad Marco-Relli, Figure Form (1958), donné par l’artiste italo-américain en même temps que The Windmill (1972) pour le Musée Guggenheim de Bilbao.
Du 30 septembre au 10 janvier 1999, Peggy Guggenheim Collection, Dorsoduro 701, Venise, tél. 39 041 520 62 88, tlj sauf mardi 11h-18h.
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Centenaire vénitien
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°67 du 25 septembre 1998, avec le titre suivant : Centenaire vénitien