Cendrars et Zinoview dans l’horreur des tranchées

Je vais braver l’homme. Mon semblable. Un singe. Œil pour œil, dent pour dent. À nous deux maintenant. À coups de poing, à coups de couteau. Sans merci. Je saute sur mon antagoniste. Je lui porte un coup terrible. La tête est presque décollée. J’ai tué le boche. J’étais plus vif et plus rapide que lui. Plus direct. J’ai frappé le premier. J’ai le sens des réalités, moi, poète. J’ai agi, j’ai tué. Comme celui qui veut vivre. » Ce texte de Blaise Cendrars, tiré d’un court récit, J’ai tué, publié en 1918, nous plonge au cœur de cette tragédie absurde que fut la Première Guerre mondiale. Deux artistes étrangers, le peintre russe Alexandre Zinoview (1889-1977), et le poète suisse Blaise Cendras (1887-1961), s’engagent dès le début du conflit au service de la France, dans la Légion étrangère. Le premier sera démobilisé en 1919, le second blessé le 28 septembre 1915. Amputé de son bras droit, il quitte cet univers où se révèle « ce dont les hommes sont capables, en bien, en mal, en intelligence, en connerie… », après avoir été cité à l’ordre de l’armée et reçu la médaille militaire et la Croix de guerre avec palme. La mise en perspective des écrits de Cendrars et des tableaux et des dessins de Zinoview, peintre plongé dans l’horreur des tranchées en implacable témoin de cette apocalypse, propose une approche terriblement vivante, et inquiétante, de cet épisode insensé de l’histoire humaine.