Musée d’art et d’histoire du Judaïsme

Cécile Reims et ses doubles

Jusqu’au 5 février 2012

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 17 novembre 2011 - 394 mots

Avant, elle eût porté un autre nom : de « reproduction ». Aujourd’hui, gagnée par le vent de liberté qui a délivré les artistes de la copie, on l’appelle autrement : « d’interprétation ».

Un progrès, sans doute. Car de tous les arts, la gravure fut longtemps le plus ingrat : reproduire l’œuvre d’autrui à dessein de la diffuser, jusqu’à parfois faire oublier son propre nom... On dit que Raphaël, le premier, comprit l’importance de la diffusion publicitaire de sa peinture par la gravure. Mais qui se souvient aujourd’hui de Marcantonio Raimondi ou de Marco Dente, ses mains de propagande ?

Signe des temps et de l’importance de l’artiste, on se souviendra longtemps de Cécile Reims, tant que l’on retiendra les noms de Hans Bellmer, Leonor Fini et Fred Deux, dont elle a « interprété » les dessins au burin. Cécile Reims, née en 1927, juive, clandestine pendant la guerre, puis sauvée d’une grave tuberculose qui la maintiendra éloignée de Paris, a trouvé son salut dans la gravure. Dans la gravure et dans l’amour – et l’œuvre – de Fred Deux (né en 1924), son compagnon de route depuis 1951. C’est en 1966, à la suite de sa rencontre avec l’éditeur Georges Visat, que son chemin suit celui des surréalistes, dont elle avait un temps – fort bref – fréquenté les réunions de café.

Bellmer a-t-il décelé dans sa main plus que du talent ? « Je profite de l’occasion pour vous féliciter et vous remercier des trois gravures pour A., la complimente-t-il en 1972. J’ai particulièrement apprécié la souplesse avec laquelle vous avez traité les deux pieds. » Les compliments ont d’autant plus de valeur dans la bouche du grand dessinateur qu’ils sont rares.

De la souplesse ou de l’acuité, comme le pense Lauren Laz, conservatrice des estampes au Musée Jenisch (Vevey) et qui vient de publier le catalogue raisonné des 1 435 estampes de Reims (Éditions 5 Continents) ? En tout état de cause un « je-ne-sais-quoi » qui relie entre elles les gravures faites « d’après » ses doubles jusqu’aux siennes propres, dont cet Élan vital (2010-2011), dernière série en date de l’artiste et qui, même si la main de 84 ans paraît moins sûre qu’au temps de Bellmer, place Cécile Reims parmi les plus grands graveurs.

Voir « Cécile Reims, l’œuvre gravé. 1950-2011 »

Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, 71, rue du Temple, Paris-3e, www.mahj.org

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°641 du 1 décembre 2011, avec le titre suivant : Cécile Reims et ses doubles

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