L’idée était pourtant bonne : revisiter l’histoire de l’art en convoquant des artistes, parfois anonymes, et des œuvres, souvent splendides, de latitudes et d’époques différentes afin de montrer la permanence de certaines hantises, les récurrences de nombreuses obsessions.
En mélangeant les aires et les ères, Jean-Hubert Martin, passé maître ès décloisonnements depuis sa mythique exposition « Magiciens de la terre » (1989), échoue à transgresser les catégories et les schèmes et propose un discours où l’intuition le dispute à l’inconstance. Le déploiement du parcours – selon des séquences muettes autour du crâne, du chien, du sexe – et la juxtaposition des œuvres – ici Le Chat (1951) de Giacometti avec un sarcophage égyptien de musaraigne, là une Variation (1964) de Daniel Spoerri avec un emblème nigérian de cent ans son aîné – suscitent tantôt des fulgurances, tantôt des rapprochements frivoles, et accréditent l’idée périlleuse d’un substrat commun. Rendant les œuvres anhistoriques et transfrontalières, la démonstration est bien fragile face à la revue Documents qui, au seuil des années 1930, offrit des diagonales esthétiques somptueuses, face aux explorations de Claude Lévi-Strauss ou encore aux perforations de Joseph Campbell, lequel envisagea l’existence d’un « monomythe » qui fédérerait les récits peuplant l’humanité.
Conçue par Hugues Fontenas, la scénographie est audacieuse : afin de donner toute leur chance à ces collusions formelles, se succèdent, monotones et discrètes, des cimaises grises imposant un sens de lecture et contrevenant à toute déambulation labyrinthique. Les cartels, quant à eux, sont relégués sur des écrans vidéo et imposent au « regardeur » un temps d’attente et, osons le mot, de contemplation. Le carambolage, au risque de l’embouteillage. Ce marabout-bout de ficelle esthétique, s’il réclame dès la salle liminaire son haut patronage, ne saurait concurrencer L’Atlas mnémosyne de l’historien Aby Warburg qui, dès les années 1920, trahissait une prescience iconique, une liberté intellectuelle et une folie propédeutique insurpassées.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
« Carambolages », un billard à trois bandes
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Galeries nationales du Grand Palais, 3, avenue du Général-Eisenhower, Paris 8e, www.grandpalais.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°689 du 1 avril 2016, avec le titre suivant : « Carambolages », un billard à trois bandes