Camille Claudel, retour chez Rodin de la maîtresse prodigue

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 29 mai 2008 - 403 mots

Étonnante Camille Claudel ! Un génie et un terrible caractère à la fois, comme si l’un ne pouvait aller sans l’autre.

Presque plus connue pour sa vie privée et ses éclats que pour ses propres créations, Camille Claudel compte parmi ces artistes dont la destinée – de l’amour passionné à la crise de folie et à l’internement – occulte trop souvent l’œuvre. Voilà celle-ci enfin sous nos yeux, dans son étendue rétrospective, de sorte que le mythe va pouvoir passer d’un camp dans l’autre.
Avec quelque quatre-vingts sculptures en marbre, terre cuite, plâtre, onyx et bronze, ainsi qu’une dizaine de gravures et de dessins provenant de collections publiques et privées, c’est la quasi-totalité de l’œuvre de l’artiste que le musée Rodin a rassemblée. Dès lors, tout s’éclaire : cette femme est un trésor national et son art est l’un des plus passionnants qui soient en ce tournant des xixe et xxe siècles. Encore adossée à la tradition mais d’une puissance expressive pionnière.
On ne peut pas résumer Camille Claudel à sa liaison tumultueuse avec Rodin. Certes, les deux artistes doivent chacun à l’autre mais c’est pour mieux inventer leur propre style. Travailleuse acharnée, Camille avait à se battre pour s’imposer non seulement en tant qu’artiste mais également en tant que femme artiste dans un monde dominé par la gent masculine.
En 1884, si elle choisit de se placer sous l’autorité de Rodin, c’est parce qu’il a réussi à s’imposer à force de scandales et qu’il a vaincu tous les tabous du naturalisme en conférant à la pratique du modelage ses lettres de noblesse. Si Camille aime Auguste, Claudel admire Rodin. Elle le vénère comme un maître absolu et rigoureux dont l’œuvre fait force d’exemple. Ce qu’elle sait surtout, c’est qu’il lui faut trouver sa propre voie si elle veut, elle aussi, s’imposer. Et cela, Camille Claudel le désire ardemment. À tout prix.
L’exposition du musée Rodin en est une brillante démonstration. Si elle invite à revisiter certaines œuvres qui ont fait la renommée du sculpteur, comme L’Âge mur ou bien encore La Vague ou Les Causeuses, elle offre à voir pour la première fois des plâtres comme La Niobide blessée ou encore un lot de petites études en terre cuite qui sont de purs chefs-d’œuvre. Qui témoignent d’une extraordinaire et singulière force de création.

Voir

« Rétrospective Camille Claudel (1864-1943) », musée Rodin, 77, rue de Varennes, Paris VIIe, www.musee-rodin.fr, jusqu’au 20 juillet 2008.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°603 du 1 juin 2008, avec le titre suivant : Camille Claudel, retour chez Rodin de la maîtresse prodigue

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