Cafetières, tapis et plats à tajine

Jean-Louis Froment avait momentanément disparu de la scène française depuis son éviction du CAPC de Bordeaux. L’exposition qu’il organise à l’Union centrale des Arts décoratifs, L’objet désorienté, présente sur un mode décalé, à la fois plein d’intelligence et de subtilité, la production artisanale marocaine.
Une confrontation entre l’actualité de l’artisanat marocain et leurs anciens modèles, ces archétypes aujourd’hui conservés avec soin dans les réserves du musée de la rue de Rivoli. Dès l’entrée, avec les premières pièces (lampes, vases, poteries...), le visiteur perçoit clairement combien ces formes traditionnelles que l’on pensait figées ont profondément évolué durant ce siècle. Assurément, l’idéologie de la consommation a marqué de son sceau le monde arabe. Une certaine uniformisation des goûts s’est produite non seulement pour répondre aux exigences d’un marché international de plus en plus important mais aussi pour correspondre aux goûts d’une bourgeoisie marocaine naissante qui se fait elle-même l’auxiliaire des principales tendances esthétiques de l’Occident. Il faut moderniser et ouvrir le pays au progrès. De nouvelles formes apparaissent. Des matériaux inédits sont désormais utilisés dans la réalisation d’objets typiques. Les motifs, notamment ceux des tapis, gagnent en liberté et en simplicité. C’est cependant dans d’autres types d’objets, plus communs, que le spectateur découvre un véritable art du détournement. Ici une boîte de conserve devenue cafetière, là un plat à tajine s’adaptant parfaitement à l’encolure d’une bouteille de gaz. La tradition au Maroc est en réalité une juxtaposition, une liaison, une hiérarchie aussi, de différents savoir-faire qui néanmoins gardent leur spécificité. Poursuivre les techniques traditionnelles en les adaptant, se réapproprier les objets du commun participent d’une pratique des rapports sociaux.