Histoire

Caen célèbre ses 1000 ans

Par Olivier Celik · L'ŒIL

Le 19 février 2025 - 1298 mots

C’est en 1025 que l’on retrouve la première mention écrite d’un bourg qui prend véritablement son essor sous le règne de Guillaume le Conquérant (1027-1087). Mille ans après, Caen célèbre son histoire et son patrimoine par une riche programmation : des expositions, des spectacles et des festivals dans quelques-uns de ses lieux les plus emblématiques.

Mille ans d’histoire attestée, au moins. Si les premières traces d’occupation humaine du site remontent à la Préhistoire, c’est en effet au début du XIe siècle que surgit le nom Cadomus, qui vient de Catumagos, nom d’origine celtique qui signifie « le champ du combat ». On sait qu’un passage – gué ou pont – de l’époque gallo-romaine, menant de Bayeux à Lisieux, existait sur le site, à proximité des rives de l’Orne. Ce passage d’intérêt économique, qui accueillait sans doute un marché, était naturellement favorable à l’établissement d’un habitat. Mais c’est bien au haut Moyen Âge que la ville se structure et devient un important centre urbain.

Le sceau de Guillaume le Conquérant

Né à Falaise en 1027 (ou 1028), Guillaume le Conquérant donne à la ville un rayonnement considérable. Guillaume est duc de Normandie sous le nom de Guillaume II dès son plus jeune âge, à huit ans, en raison de la mort prématurée de son père lors des croisades. Après une période de grande instabilité – sa succession étant contestée –, il impose, avec l’aide de son suzerain le roi de France Henri 1er, sa domination sur le duché de Normandie à partir de la bataille de Val-ès-Dunes en 1047. Marié à Mathilde de Flandre vers 1050, il entend faire du duché un territoire puissant, craint des rois de France, mais aussi la tête de pont de sa conquête de l’Angleterre dont il devient roi en 1066 – après sa victoire à la bataille d’Hastings – jusqu’à sa mort à Rouen en 1087. Sous son règne, la ville de Caen devient un centre de pouvoir, un symbole de prospérité et d’autorité politique et religieuse. Trois édifices majeurs illustrent les ambitions de Guillaume : l’abbaye aux Hommes fondée vers 1060 (pour lui), l’abbaye aux Dames (à l’initiative de sa femme Mathilde), et le château fortifié. Les deux abbayes avaient également pour but de réparer un mariage initialement condamné par l’Église, Guillaume et Mathilde étant cousins éloignés. Caen se métamorphose : le port fluvial sur l’Orne devient un centre névralgique pour le commerce. La ville attire de nombreux artisans et commerçants. Centre intellectuel, spirituel et économique, la ville règne sur les deux rives de la Manche, au détriment de Bayeux, pourtant ville épiscopale.

À la suite de la grande impulsion donnée par Guillaume, Caen devient un important centre de fabrication textile, notamment pour le drap. Bastion protestant, la ville connaît d’importants troubles lors des guerres de Religion du XVIe siècle, tout comme elle est victime de nombreuses répressions pendant la période révolutionnaire pour son rôle actif dans la résistance girondine. Caen se modernise au XIXe siècle au gré de la révolution industrielle. Le port et les infrastructures urbaines sont développés et la ville renforce encore sa position de carrefour commercial.

Mais la Seconde Guerre mondiale, comme pour de nombreuses villes de Normandie, défigure profondément la ville. La bataille de Caen, qui a lieu en juin et juillet 1944, est l’un des épisodes les plus marquants de son histoire. Lors du Débarquement des Alliés en Normandie, la ville subit d’importants bombardements, causant la destruction de quartiers entiers et de nombreux bâtiments historiques, comme l’église Saint-Pierre de Caen, dont la restauration a été exemplaire. La reconstruction d’après-guerre donne à la ville son visage d’aujourd’hui. Mais, contrairement à une idée trop souvent répandue, de nombreuses traces du passé sont aujourd’hui encore visibles. Passé ancien, avec le château et les abbayes, passé récent aussi, avec le Mémorial de Caen, un important musée consacré à la paix et à l’histoire du XXe siècle. Possédant un riche Musée des beaux-arts, la ville, dynamisée par une importante population étudiante (son université a été fondée en 1432), s’est vu décerner le label « Ville créative » par l’Unesco en 2023 dans les domaines de l’innovation, de la culture, de la recherche et des arts numériques. À l’horizon 2030, elle accueillera aussi la Fondation Gandur pour l’art. L’agglomération caennaise est aujourd’hui la plus dotée en équipements culturels rapportés au nombre d’habitants. Un atout pour renforcer une attractivité qui n’est sans doute pas encore à la hauteur de son histoire, de son patrimoine et de son dynamisme.

250 événements pour un millénaire

Le Millénaire de Caen s’ouvre le 20 mars sur une grande fête avec une fresque animée monumentale projetée sur les remparts du château, réalisée par B959 et revenant sur les grandes et petites histoires de la ville. Une grande « parade opératique », avec un parcours de 5 kilomètres et 5 heures de spectacle conçu par la compagnie Le Baron Vert, mêle danse, théâtre, cirque et chant. La ville propose également un parcours d’art contemporain, intitulé « Tout est à recommencer » (dès le 20 juin), mettant à l’honneur des artistes formés ou résidant en Normandie, comme le plasticien Julien Creuzet (à l’École des beaux-arts), le photographe Charles Fréger (au Musée de Normandie), le plasticien et musicien Céleste Boursier-Mougenot (à l’église Saint-Sauveur), les plasticiens Françoise Pétrovitch (à l’abbaye aux Hommes) et Lionel Sabatté (sur la jetée Paul-Émile Victor à Ouistreham). De nombreux autres artistes investiront l’espace public (Olafur Eliasson dans le parc des sculptures du château de Caen, Vincent Leroy sur la place Saint-Sauveur). D’autres manifestations auront lieu jusqu’en décembre, avec des projections d’installations numériques, du 10 au 21 décembre.

Olivier Celik

 

« Millénaire de Caen »,

du 20 mars au 21 décembre, programme des événements à consulter sur www.millenairecaen2025.fr

L’abbaye aux Hommes 

Fondée vers 1060 et dédiée à saint Étienne, elle reflète la puissance spirituelle et politique de Guillaume le Conquérant, qui y fut enterré en 1087 (sa tombe fut profanée pendant les guerres de Religion). Sa construction a été aussi envisagée pour apaiser l’Église après le mariage contesté entre Guillaume et Mathilde de Flandre qui étaient cousins éloignés. Construite en pierre de Caen, l’abbaye est considérée comme un chef-d’œuvre d’architecture romane normande, se distinguant par sa sobriété, sa verticalité et ses arcs en plein cintre.
 

L’abbaye aux Dames 

Fondée aussi vers 1060 par Mathilde de Flandre (qui y repose), elle est dédiée à la Sainte Trinité. Elle illustre la dévotion et la force du couple formé avec Guillaume le Conquérant, symbolisant la complémentarité des époux. Bénéficiant du même geste de construction roman que l’abbaye aux Hommes, elle abritait des moniales bénédictines et joua longtemps un rôle dans l’éducation des jeunes filles nobles et la prise en charge des démunis. Depuis 2016, l’abbaye est le siège de la Région Normandie. Elle peut néanmoins se visiter.
 

L’Artothèque, espaces d’art contemporain de Caen 

Inaugurée en 1986 au sein du Théâtre de Caen, l’Artothèque occupe aujourd’hui plusieurs espaces du palais ducal. Bien commun à usage intime, son fonctionnement repose à la fois sur la collection (4 000 œuvres, dont des ensembles représentatifs de l’école de Paris, Cobra, Support-Surface, Figuration narrative) et sur le prêt d’œuvres pour les particuliers, les écoles, les institutions et les entreprises en contrepartie d’un abonnement de quelques dizaines d’euros par an. L’Artothèque développe également un programme d’expositions temporaires, d’ateliers et de rencontres.
 

Le château de Caen 

Édifié par Guillaume Le Conquérant vers 1060, le château devient une place militaire stratégique et une résidence pour les ducs de Normandie dans un donjon aujourd’hui disparu. Couvrant une zone de 5 hectares, il est l’un des plus grands ensembles fortifiés d’Europe. Situé sur un promontoire naturel, il offre une position défensive idéale et domine la vallée de l’Orne. Ses remparts massifs en pierre de Caen ont résisté aux bombardements alliés. Récemment restauré, le château abrite aujourd’hui le Musée de Normandie et le Musée des beaux-arts de Caen.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°783 du 1 mars 2025, avec le titre suivant : Caen célèbre ses 1000 ans

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