PATRIMOINE

Caen se relie à son château médiéval

Le 25 avril 2025 - 882 mots

CAEN

À l’occasion des festivités du Millénaire, lumière est faite sur l’ambitieux projet de la ville axé autour d’un château au parcours rénové.

Caen (Calvados). Du haut des remparts du château, les visiteurs contemplent l’ensemble de la ville de Caen, ses clochers, ses abbayes, son canal et son université. Situé sur un éperon rocheux qui domine l’Orne, le château couvre environ 5 hectares entourés d’une enceinte fortifiée et héberge le Musée des beaux-arts et le Musée de Normandie. Comme le rappelle le directeur du château, Jean-Marie Levesque, les travaux entrepris ces dernières années font partie d’un vaste « plan directeur de 21 millions d’euros » dont la deuxième étape vient de s’achever.

Auparavant encombrée par un parking, l’esplanade centrale est désormais piétonne avec de grandes pelouses traversées d’allées qui « font le lien entre les bâtiments du château » et offrent une vision globale du site. Le nouveau bâtiment d’accueil des visiteurs reste discret et sa grande baie vitrée permet une vue quasi panoramique sur l’esplanade. Car le château est composé d’éléments d’époques différentes, et il conserve les traces de bâtiments détruits pendant la Révolution ou au XXe siècle : ainsi le donjon du XIIe siècle mis au jour dans les années 1950 peut-il désormais être visité grâce à une nouvelle passerelle. De même, une partie des remparts a été réaménagée lors des travaux pour permettre « un parcours complet de l’enceinte », selon Jean-Marie Levesque. Ce dernier rappelle que le château de Caen est « la plus grande enceinte fortifiée au nord de la Loire », et que le site est classé au titre des monuments historiques : son importance culturelle et patrimoniale est indéniable.

Si les travaux de 2024 ont effectivement donné une vision globale du site, ils ont aussi permis d’approfondir la connaissance de l’histoire du château et de sa relation avec la ville. Les fouilles archéologiques préventives ont ainsi révélé des vestiges de bâtiments datant du XIIe siècle dans les zones remblayées au XVIe, dont des ateliers et des forges qui attestent de l’activité économique du château. De précédentes fouilles avaient livré des informations sur la barbacane et sur la grande tour du château, contemporaines de la guerre de Cent Ans. Le Millénaire [lire l’encadré] fournit l’occasion de diffuser auprès du public ces avancées de la recherche. Dans le même esprit, il a été décidé de laisser le site ouvert au public pendant les travaux. Jean-Marie Levesque insiste aussi sur l’intégration du château dans l’urbanisme marqué par la reconstruction post-1945, puisque l’édifice est situé à quelques mètres de l’université et de l’église Saint-Pierre bombardée en 1944. « L’université est construite en 1957 dans ce contexte et le choix de son emplacement montre une volonté de faire du château un élément central de la ville », explique-t-il, ajoutant que le site se situe également à proximité du bassin portuaire, autre lieu marquant de la ville.

Le château s’intègre ainsi dans le tissu urbain, d’autant que la plupart des bâtiments médiévaux de la ville lui sont liés, car il était un lieu de résidence des rois anglais (depuis Guillaume le Conquérant en 1060) et ceux-ci ont laissé des traces en dehors de son enceinte, à l’exemple de l’Abbaye-aux-Dames et de l’Abbaye-aux-Hommes. Plus largement, les travaux du château et le Millénaire suscitent intérêt et espoir pour le patrimoine de Caen en souffrance : c’est le cas de l’église Saint-Étienne-le-Vieux (Xe et XIe siècles), en grande partie détruite, dont la restauration coûterait jusqu’à 20 millions d’euros, selon une conservatrice du patrimoine.

Le château et ses musées seront associés à plusieurs événements de la programmation du Millénaire, dont le week-end d’inauguration, qui a eu lieu du 20 au 22 mars, a déjà rassemblé plus de 100 000 visiteurs sur le site.

Le Millénaire de Caen explore l’histoire et l’identité de la ville normande

Célébration. Présentée comme « un dialogue avec mille ans d’histoire », la programmation du Millénaire couvre aussi bien les arts plastiques que les sciences (neurologie) et le spectacle vivant (grande parade du 9 mai). L’histoire y tient cependant une large place. La semaine d’inauguration, à la fin mars, accueillait ainsi les Journées de l’histoire à l’Abbaye-aux-Dames et à l’université, tandis qu’un dispositif immersif sur l’histoire de la ville avait été installé dans la salle de l’Échiquier du château.
Côté expositions, l’histoire est bien présente avec « Les mille ans de Caen » à l’Abbaye-aux-Hommes (jusqu’au 11 mai), où figure la charte de 1025 qui mentionne pour la première fois le nom de « Caen ». Les autres expositions gardent un lien avec l’histoire et le passé, comme celle intitulée « Par tous les dieux ! », sur les divinités, au Musée de Normandie avec des prêts de la Fondation Gandur. La programmation générale met en lumière des détails de l’histoire locale, telle la pierre de Caen (pierre calcaire blanche) qui était exportée jusqu’en Angleterre et en Sicile, selon le co-commissaire Mathias Courtet.
L’été sera marqué par des événements liés à la mer, une affirmation de l’identité maritime de la ville : le canal de Caen à la mer et le quartier de la presqu’île feront partie des temps forts. Cela se traduit aussi par l’intégration, dans les festivités, des communes avoisinantes, telle Ouistreham, qui entretient avec Caen des liens économiques étroits (exportation de la pierre de Caen). Le budget total du Millénaire est de 18 millions d’euros dont 10 millions consacrés aux projets et 5 millions aux investissements.